Il y a urgence à faire de la pédagogie sur l’écotaxe. Y compris auprès de la nouvelle ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, qui la qualifie d’«impôt» et parle d’«écologie punitive», alors que c’est tout sauf le cas. C’est ce qu’enseigne la polémique suscitée par sa première sortie. Jeudi, à peine nommée, elle s’est dit en faveur d’une «remise à plat» de l’écotaxe, provoquant l’ire des ONG et des Verts, avant de rétro-pédaler «temps donné à l’écoute».
vendredi, assurant qu’il s’agissait de
Report. «J’ai eu Ségolène Royal au téléphone, il était important qu’on se parle,confiait vendredi à Libération Jean-Paul Chanteguet, le député PS qui préside la mission d’information parlementaire sur l’écotaxe poids lourds. Je lui ai dit que l’écotaxe n’est pas une taxe écologique, c’est un "payage", un droit d’usage, comme ce qui se passe pour le rail : on fait payer au transporteur le coût d’usage de la route, et non au contribuable.» En clair, le fret routier devrait enfin assumer ses nuisances (pollution de l’air, de l’eau, des sols, bruit, congestion), jusque-là à la charge de la collectivité.
La mission, commandéeaprès la suspension de l’écotaxe par le gouvernement fin octobre, doit rendre ses conclusions le 30 avril. «Notre travail, qu’on peut qualifier de remise à plat de l’écotaxe, vise à lui redonner du sens et à la rendre acceptable, car il y a eu jusqu’ici un déficit de pédagogie», explique Chanteguet. La mission va-t-elle préconiser l’enterrement de cette mesure, née pendant le Grenelle de l’environnement, votée en 2009 et prévue pour 2011 avant d’être reportée, faute de courage politique ? «Surtout pas !», s’exclame le député. Ne serait-ce que parce que cela coûterait très cher au contribuable. «Si demain il y avait suspension définitive, il faudrait verser 800 millions d’euros à Ecomouv [le consortium privé chargé de la collecte des recettes, ndlr]. Surtout, cela entraînerait pour l’Etat un milliard d’euros de recettes en moins par an», ajoute Chanteguet.
Le compteur tourne déjà. Depuis le 1er janvier, date à partir de laquelle devait être appliquée cette «éco-redevance» censée financer les alternatives au transport routier et l’entretien des routes, le report coûte 100 000 euros par heure à l’Etat. «Ajoutez les 800 millions d’euros par an de cadeaux fiscaux que le transport routier a obtenus en anticipation de l’écotaxe, comme la baisse de la taxe à l’essieu ou le passage des 40 aux 44 tonnes, et voilà que nous, les "petits", sommes les dindons de la farce !», s’exclame Txetx Etcheverry, de Bizi !
«Mensonges». Ce mouvement, basé à Bayonne, a créé un collectif pour défendre la «pollutaxe» - terme jugé plus parlant - et se prépare à lancer des actions symboliques. «Prétendre défendre les "petits" est un mensonge insupportable, ajoute Etcheverry. En permettant de financer le transport collectif, l’écotaxe profiterait au contraire aux petits. Or là, ce sont ces derniers qui paient le coût du report… Royal ferait mieux de dénoncer la hausse de la TVA au 1er janvier, notamment celle sur les transports collectifs, qui a doublé en trois ans.»
«En fait, l’écotaxe est une mesure de justice fiscale», ajoute l’avocat Arnaud Gossement. Qui s’interroge sur la «tempête dans un verre d’eau» provoquée par la ministre. «De toute façon, l’Etat ne peut pas enterrer l’écotaxe, le principe est dans la loi, un décret est passé, un contrat a été signé. Et l’Etat ne pourra pas financer les transports autrement. La sortie de Royal sert juste à faire pression sur Ecomouv pour renégocier le contrat. Elle devrait plutôt parler du dernier rapport du Giec», le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
Coralie Schaub