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lundi 25 novembre 2013

Combattre le poison du racisme...

Racisme : combattre le poison de la division

La récente interview de Christiane Taubira dans le journal Libération et la belle tribune dans le Monde de Harry Roselmack, l’ex-présentateur TF1, contre le retour de «  la France raciste  » sont plus que bienvenues, au moment où les discours et les actes racistes ne cessent d’augmenter. Depuis son arrivée au gouvernement, Christiane Taubira a été violemment attaquée par la droite et l’extrême droite, mais ces dernières semaines, le racisme a franchi un nouveau seuil. Comparée d’abord à un singe par une candidate du FN, puis insultée par des enfants et leurs parents dans un rassemblement des anti-mariage pour tous, aux cris de «  Guenon, mange ta banane  !  », Taubira s’est étonnée du manque de réaction dans le pays. Cela a été la goutte d’eau de trop aussi pour Harry Roselmack qui s’est dit soudain «  ramené à ma condition nègre  ».
Christiane Taubira nous avait déjà régalés avec sa réponse au «  discours mortifère et meurtrier  » du Front national. Cette fois, c’est Roselmack, bien moins timide que la plupart des hommes politiques de gauche, qui affirme clairement que «  la xénophobie, le racisme constituent le ciment essentiel  » du FN.
Qui alimente les préjugés  ?
Dans son interview, Taubira a bien raison de pointer les responsabilités, non seulement de l’extrême droite mais aussi de la droite  : les discours de Sarkozy à Grenoble et à Dakar, Hortefeux et ses «  blagues  » racistes, l’identité nationale, Copé, Fillon et le FN… Cette course après les électeurs du FN a bien sûr largement contribué à donner confiance aux racistes qui se lâchent.
Par contre, sur les responsabilités du gouvernement actuel, à part quelques critiques très diplomatiques de la politique d’immigration et envers les Roms, c’est silence radio. Pourtant les dégâts sont immenses  : l’abandon du droit de vote pour les étrangers, la poursuite de la politique sarkoziste de l’immigration, la stigmatisation des musulmans, les déclarations racistes de Valls sur les Roms et enfin, plus fondamentalement, la gestion loyale du capitalisme en crise.
Roselmack pointe la responsabilité de la crise «  qui alimente la xénophobie  ». Mais cette crise ne tombe pas du ciel, elle est une conséquence de la logique même du capitalisme. C’est pourquoi les appels de Taubira à la «  cohésion sociale  » et à la défense de «  la République  » sont au mieux une illusion, au pire une tromperie. La République réelle et concrète — et non pas les valeurs abstraites qu’elle invoque — est bien une république capitaliste qui jette des millions de personnes au chômage et enfonce des millions d’autres dans la précarité et la misère. C’est bien ce système qu’il faudra abattre pour en finir définitivement avec le racisme.
Avant d’y arriver, la lutte contre le racisme continue, non seulement parce qu’il est insupportable mais parce qu’il continue à miner la cohésion, non pas celle illusoire de la République, mais celle des exploités et des opprimés. C’est un poison qui divise et affaiblit dans les batailles contre les patrons licencieurs et le gouvernement à leur botte. Dans les mois à venir, il faut trouver le chemin de l’unité de tous les travailleurs  : blancs, noirs, arabes… Ne rien laisser passer  : aucune réflexion raciste, aucune «  blague  ». S’opposer à la diffusion des idées haineuses, redonner confiance aux antiracistes (et nous sommes encore nombreux  !), avec comme première grande échéance les célébrations le mois prochain du trentième anniversaire de la grande marche pour l’égalité.
Ross Harrold



Harry Roselmack : "La France raciste est de retour"

Depuis longtemps, la France joue au bras de fer. Sa République contre sa société. Ses idéaux face à son quotidien. Deux forces opposées, en équilibre précaire, comme ces poignées de mains tenues en équerre par des biceps gonflés à bloc. La République, née de la révolution contre les privilèges, s'est dotée d'un triptyque impossible pour tordre le bras à la nature même des hommes : liberté, égalité, fraternité pour en finir avec la division, le rapport de force, l'assujettissement de l'autre.
C'était sans compter l'homme derrière le citoyen. Cet insoumis refuse tous les diktats, et surtout ceux qui ambitionnent d'imposer de bons sentiments. Jamais, ni sous la terreur du Comité de salut public de ses débuts sanglants, ni après la tentative de Mai 68, la République ne parvint à l'égalité, la liberté et la fraternité.
Il y a pourtant une chose que la République a su créer : un sentiment d'appartenance et d'attachement national chez des gens de classes sociales différentes, de cultures différentes, de couleurs différentes. Je me vois peu, mais je ne me vois pas Noir. En tout cas, je ne me qualifie pas comme tel, en général. Je suis d'abord un homme, un fils, un frère, un mari et un père, un citoyen, un journaliste, un passionné et oui, oui, c'est vrai, je suis noir. La République, son slogan et ses lois parviennent, la plupart du temps, à me le faire oublier.

"ME VOILÀ RAMENÉ À MA CONDITION DE NÈGRE"

Et voilà qu'une minorité grandissante qui se présente comme gardienne ou salvatrice de cette République française vient briser cette prouesse cocardière. Me voilà ramené à ma condition nègre. Me voilà attablé avec d'autres Noirs parce qu'ils sont noirs. Et me voilà en train de m'offusquer d'une idiotie qui ne m'atteignait guère : le racisme. Parce que l'expression de ce racisme, dans la bouche d'une candidate Front national aux municipales (exclue depuis), était primaire, parce qu'elle recourait à une iconographie profondément choquante qui niait au nègre le statut d'être humain, elle m'a amené à m'interroger, en tant que Noir d'abord, en tant que citoyen, fils, père et mari ensuite.
La France sursaute en se découvrant communautarisée, mais ce que je décris témoigne du fait que le communautarisme en France n'est ni naturel ni spontané. C'est une réaction née d'une duperie : le hiatus congénital entre la promesse républicaine et la réalité de la société française.
En vérité, le « dérapage » d'Anne-Sophie Leclere n'est pas pour me déplaire. Parce qu'il n'est pas qu'un dérapage, il est l'expression, peu reluisante, d'une vision du monde partagée au sein du Front national. S'il est faux de dire que tous les électeurs et militants du FN sont racistes, il était tout aussi faux de dire qu'il n'y a pas de racisme dans ce parti. La xénophobie, le racisme en constituent même le ciment essentiel. Et il n'est pas inutile que son vernis républicain, grossier maquillage dont Marine Le Pen le badigeonne consciencieusement, s'écaille de temps en temps.

"Y'A BON BANANIA"

Ce qui me chagrine, c'est le fond de racisme qui résiste au temps et aux mots d'ordre, pas seulement au sein du FN, mais au plus profond de la société française. C'est un héritage des temps anciens, une justification pour une domination suprême et criminelle : l'esclavage et la colonisation.
Mais ce racisme a laissé des traces et, si on était capable de lire l'inconscient des Français, on y découvrirait bien souvent un Noir naïf, s'exprimant dans un français approximatif, et dépourvu d'Histoire ou, tout du moins, d'oeuvre civilisatrice. Une vision que certains cultivent aujourd'hui encore, à leur corps défendant parfois. Combien de fois ai-je dû expliquer à un restaurateur ou même à un camarade que les vieilles affiches « Y'a bon Banania » qu'ils accrochent à leurs murs ne peuvent pas être regardées qu'avec amusement ou nostalgie. Comme certains albums de bande dessinée qui ont égayé notre enfance, elles laissent des empreintes d'un autre temps dans nos imaginaires.
Tant que l'on laissera ces peaux de Banania traîner dans nos cerveaux, des glissades et dérapages vers l'injure raciste sont à craindre. Surtout par les temps qui courent, avec cette crise qui alimente la xénophobie de son bien étrange carburant : la jalousie envers plus mal loti que soi. Harry Roselmack, journaliste.

Jane Birkin : "Le silence autour de Christiane Taubira est alarmant". "Les réactions n'ont pas été à la mesure. Ce qui m'étonne le plus, c'est qu'il n'y a pas eu de belle et haute voix qui se soit levée pour alerter sur la dérive de la société française", avait déclaré, dans Libération, Christiane Taubira, ministre de la justice, victime de graves insultes racistes. Jeudi 7 novembre, Jane Birkin est à Toulouse (Haute-Garonne), où elle a présenté au Théâtre Sorano, son spectacle Arabesque, puis une relecture des textes de Serge Gainsbourg en compagnie des acteurs Michel Piccoli et Hervé Pierre
Elle vient de lire la lettre ouverte publiée par l'écrivain Christine Angot dans Libération du jour, qui met en cause et tente d'expliquer l'inertie des artistes et des intellectuels, alors que le garde des Sceaux est traitée de "guenon". "Nous n'avons rien dit parce que nous ne savons pas comment faire, comment dire ce que nous ressentons, nous ne trouvons pas les mots pour expliquer la terreur qui nous saisit à la gorge, la peine radicale, plus que profonde, radicale, une tristesse qui touche le fond, que nous éprouvons, cette histoire de banane nous tue", écrit Christine Angot, qui s'inspire ensuite de Réflexions sur la question juive de Jean-Paul Sartre.
Avec Jeanne Moreau, Youssoupha ou Niels Tavernier, vous venez de signer l'appel "France ressaisis-toi", relayé par SOS Racisme. Avez-vous eu l'impression d'avoir été trop longtemps silencieuse ?

Je comprends qu'elle [Christiane Taubira] ait été déçue qu'il n'y ait pas eu "une belle voix qui s'élève", je trouve cela si triste ! Il faut trouver des armes contre le FN, qui a encore frappé. La bonne réaction aurait pu être d'être cette voix. Je pense que des allusions aux arabes ou aux nez crochus des juifs auraient provoqué bien plus de réactions. Quand elle est assimilée à un singe, le silence autour est alarmant. Sans doute, mais vraiment, on ne sait pas comment réagir dans des cas comme celui-là. D'abord, par ce qu'on se dit que le Front National est bien trop présent, et qu'il vaut mieux rester silencieux plutôt que de lui faire de la publicité encore et encore.
Mais SOS Racisme m'a alertée, et on m'a expliqué que Christiane Taubira avait été touchée dans sa chair par ces propos, les caricatures, les enfants lui offrant des bananes, etc. L'idée que cela lui fasse mal, qu'elle ait été ainsi blessée m'était insupportable. J'ai la chance d'avoir été alertée. Depuis le soutien que j'ai apporté à Sarajevo [en 1995], on m'appelle quand il s'agit de réagir. D'autres artistes vivent à l'extérieur de ce monde, on ne peut pas les blâmer. Moi, je suis sur une liste. Pour le concert de soutien aux victimes du tsunami et de la catastrophe de Fukushima par exemple, j'ai mobilisé tout le monde contre le nucléaire, avec Olivier Rollin, Catherine Deneuve, Charlotte Rampling... Je n'ai eu aucun refus, je suis sur leur liste. D'autres sont à l'écart, même mes enfants, qui auraient volontiers signé pour Taubira. Il n'est jamais trop tard pour reconnaître la blessure.

Quid de la responsabilité des artistes, sur le racisme antirom, la montée de l'extrême droite ?

Je ne veux jamais me poser en moraliste, il se trouve que défendre les gens me plaît bien. Chacun son truc. En ce qui concerne Christiane Taubira, je suis par ailleurs en accord total avec ses opinions en tant que ministre de la justice. Elle s'est opposée à l'incarcération systématique, préférant utiliser des moyens modernes, comme le bracelet électronique. Or, mon père était officier de probation, il s'était proposé à cette fonction après la guerre, lui, un héros de la résistance. Il avait dix enfants sous sa responsabilité, il n'a jamais eu aucun échec. Avec lui, j'ai marché contre la peine de mort en Grande-Bretagne. J'ai vu des situations incroyables. L'un des condamnés était pyromane. Sa mère était croque-mort. Le garçon voyait arriver des brouettes pleines de macchabées, elle les mettait sur la table de la cuisine pour les préparer. Mon père pensait que le mettre en prison aurait été une hérésie, qu'il était fragile et n'aurait pas survécu.
La mère, pour remercier mon père, lui a dit : "Hey, Mr Birkin, quand le terrible jour arrivera, je ferai un superbe travail sur vous !" Or, nous devons accepter tout cela, c'est la vie même. Donc Taubira, oui, j'applaudi des deux mains. Comme elle a raison ! Sa façon de parler est droite, nette, forte, ce qui a pu mener à penser qu'elle n'avait pas besoin d'être défendue. Si l'on lançait un appel large et national, je suis sûre qu'il y aurait beaucoup plus de signataires que ce que l'on peut imaginer.
Vous avez souvent dit qu'Arabesque, créé au Festival d'Avignon en 1999 et qui revisite le répertoire de Serge Gainsbourg sur des sonorités moyennes-orientales, était une bonne manière de lutter contre les préjugés.
Sans aucun doute. Par ailleurs, appartenir à une famille mixte m'a beaucoup apporté. Moi, ça m'a aidé de connaître Serge, Juif, je n'en connaissais pas d'autres. Ça m'aide que mon petit fils soit à moitié noir, je le vois. On est plus vigilant, sinon j'aurais été bêtement anglaise. Des réflexions bêtes comme "Il est un peu typé, non ?" deviennent insupportables. On est aux aguets. Les Français ont cet atout d'être mélangés.

Mais où se cache la colère ?

Justement, nous les artistes, acteurs, musiciens, chanteurs, avons cette chance de nous exprimer, de rendre cette colère, de la faire sortir. Et puis, il y a des jeunes dans la rue, certains qui se battent contre les fascistes. C'est jubilatoire, ils ont des couilles. J'ai été très frappée récemment par un entretien donné au Monde par le chercheur bouddhiste Matthieu Ricard. Il parle de l'empathie, qui se voit sur les IRM, qui se développe avec la méditation et le calme, et qui gagne du terrain sur la case d'à côté, qui est celle de la peur de l'autre. Je me suis dit que cela était un antipoison contre le FN. A 66 ans, je commence le yoga. L'empathie me paraît tout à coup essentielle.

Véronique Mortaigne

 

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