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lundi 1 avril 2013

Justice et émancipation des femmes...



Naître ou ne pas naître fille en Inde
Qu’il s’agisse du rejet des veuves ou de leur suicide, du mariage forcé des enfants, de l’infanticide ou du viol mortel, dans maintes situations les femmes indiennes sont brutalisées par une seule et même politique relationnelle.
A la différence de Montaigne, je ne peux soutenir : «Il n’y a rien de barbare et sauvage en cette nation, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage.» Connaître les us et coutumes d’un peuple ne signifie pas accepter ses violences. Où que ce soit, la barbarie n’est pas justifiable sous couvert de croyance. Entendre que la vie doit être martyrisée, parce qu’ainsi elle donne accès à la félicité de l’au-delà, glace le sang. «Souffre et meurs ici bas, tu bénéficieras des béatitudes de l’autre monde» : cette parole d’un traditionaliste indien en dit long. Elle appelle la réplique : «Pourquoi ne meurs-tu pas à l’instant ?» En Inde, l’esprit déifiant qui tourmente les hommes, les femmes et les enfants est souverain. En lui, un imaginaire, mâtiné de superstitions, décide des conduites des individus. La finalité sadomasochiste propre à de nombreux rites religieux est omniprésente : elle juge du pur et de l’impur, du bien et du mal, du permis et de l’interdit.
Naître fille au pays de Krishna et Rada est une calamité. En ce pays, l’idée persiste que la génitrice d’un garçon est la vraie femme. La mise au monde d’une fille est souvent condamnée. La naissance d’un garçon est par contre célébrée. C’est lui, le garant des biens matériels et spirituels du père ; lui, le préféré. La fille est assignée à une position subalterne. Sa fonction est de satisfaire un idéal tyrannique, source de masochisme. En Inde, la femme valorisée est celle qui donne un garçon à l’époux. Privée de cette possibilité, elle est rabaissée, dans certains cas abandonnées.
Distinguons, au vu de la diversité des communautés, que certains Etats font exception. Les filles y sont bien agréées : c’est le cas au Tamil Nadu, au Kerala ou à Goa par exemple. Bien sûr, les esprits évoluent, en particulier parmi les couches moyennes et aisées, et, ce, grâce à la scolarisation. La ségrégation misogyne perdure néanmoins : elle est inscrite dans la tradition et protégée par l’ignorance. Une volonté d’émancipation s’exprime malgré les avilissements.
La révolte féminine est au rendez-vous d’une nouvelle espérance. Nombre de jeunes femmes refusent de subir l’oppression comme leurs mères. On les voit combattre les injustices qui les privent de la belle réciprocité en amour. L’opprobre patriarcal continue de conduire à des comportements infâmes. Dans maintes contrées pauvres, si une mère tue sa fille à la naissance, son geste est approuvé.
Parmi les riches, les filles sont encore plus malvenues. Tant chez les pères que chez les mères, il y a une préférence inconditionnelle pour le garçon : le garant du nom du père et du patrimoine. Parler d’amour d’enfant est ici sélectif. «Par un fils, un homme gagne les mondes célestes», déclarent les anciennes lois de Manou. A cette enseigne, le rituel de la crémation de la dépouille du père est significatif d’un sexisme profondément ancré. Pour que le père puisse bénéficier des faveurs des dieux et accéder à une réincarnation, seul le fils est en droit de bouter le feu au bûcher funéraire. Il en va de la transmigration des âmes et de la béatification céleste. A ce jour, l’Inde manque de plus de 40 millions de femmes. C’est un fait dont le fœticide est responsable. «Je ne trouve pas de femme», dit un homme. «On prend de mauvaises habitudes. Les femmes nous manquent.» Dans les villages et les bidonvilles, la prostitution, l’enlèvement et le viol sont fréquents. A l’occasion des fêtes, les hommes dansent entre eux. L’amour entre les êtres est blessé. Des conséquences néfastes en résultent.
Dans une société trop inhumaine, le désir sexuel est l’esclave de la misère. Parfois, comme ce fut le cas lors des événements du 16 décembre, la vérité scandaleuse fait irruption. Une horde de mâles a violé et tué une jeune femme et laissé pour mort son ami [le 15 mars, une touriste suisse a également été l’objet d’un viol collectif, ndlr]. En la circonstance, l’horreur du plus bestial des instincts terrifie. L’acte criminel, propre au retour du refoulé sexuel, déclenche la rage de quantité d’Indiens. Femmes et hommes descendent dans la rue. Ils condamnent à raison la barbarie. Reste à savoir si la masse de la plus grande des nations, qui se réclame démocrate, saura les entendre.
MARIO CIFALI Psychanalyste et écrivain

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