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lundi 4 mars 2013

Comme Hessel, nous ne lacherons rien...



Stéphane Hessel, une vie infatigable de résistances
Résistant et diplomate, l’homme qui s’est éteint à 95 ans était devenu une icône de la révolte dans un monde en quête de sens. Il y a deux ans, son best-seller « Indignez-vous » s’était vendu à 4 millions d’exemplaires et avait été traduit dans 34 langues.
En apprenant la mort de Stéphane Hessel, il nous est revenu en mémoire ce titre du livre de Primo Levi : Si c’est un homme. C’est un homme, oui, qui s’est éteint à 95 ans. Un homme qui s’est battu toute sa vie durant pour les droits de l’homme. Pour la dignité de l’homme. Pour l’amour de l’homme. Pour l’égalité de l’homme. Pour la valeur de l’homme.
Les plus jeunes ne connaissaient sans doute de lui qu’un petit livre paru il y a deux ans. Son titre : Indignez-vous ! En trente pages, parues chez un petit éditeur (Indigène), Stéphane Hessel avait su se faire entendre du monde entier. Son pamphlet, ode à l’engagement et au refus de toutes les injustices, a été traduit en trente-quatre langues et s’est vendu à plus de quatre millions d’exemplaires. Son cri résonnait comme l’écho de l’Histoire. Partout, la planète grondait alors, prise ici dans les convulsions des révolutions arabes, tourmentée là par la crise et son cortège de souffrances et de révoltes. Un peuple, des peuples se levaient. Et Stéphane Hessel accompagnait avec ses mots le mouvement. Aux Etats-Unis, en Espagne, en Grèce, en France les « indignés » brandissaient son livre. Dans un monde en quête de sens, il était devenu une icône de la résistance.
Le roman d’un siècle
D’une courtoisie extrême, sa voix était aussi douce que ses propos étaient forts. Ces derniers mois, dépassé par son succès, il s’excusait poliment de ne pouvoir répondre à toutes les interviews. Sa dernière épouse, Christiane Hessel-Chabry, veillait. L’important, ce n’était pas lui, répétait-il modestement, c’était son combat.
Sa vie était un roman. Le roman d’un siècle. Il avait vu le jour à Berlin en 1917. Né allemand dans une famille d’intellectuels, il était devenu français à vingt ans.
Lorsque la guerre éclate, il est mobilisé. En 1941, il rejoint les Forces françaises libres. Mais le résistant est arrêté par la Gestapo et déporté à Buchenwald. Il échappe à la mort en prenant l’identité d’un autre et s’évade lors de son transfert à Bergen-Belsen. A la Libération, il entame une carrière de diplomate. Aux Nations unies, surtout, où il participe à l’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’homme, puis en Afrique et en Asie. Il défend ardemment la construction européenne. Et la cause palestinienne aussi, ce qui lui vaudra des ennuis quand il défendra le boycott d’Israël. Dans le concert d’hommages qui lui ont été rendus hier, l’épitaphe de Richard Prasquier, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France, est cinglant : « Stéphane Hessel fut un maître à ne pas penser. »
Après sa retraite, jamais Stéphane Hessel n’a posé les armes. Il approche déjà des quatre-vingts ans quand il se mobilise en 1996 pour les sans-papiers.
La politique ? Stéphane Hessel en avait l’idée la plus noble. Pas par goût du pouvoir, non. Il n’a jamais exercé le moindre mandat. Il aimait la politique par esprit d’engagement. Il y a quelques jours encore dans le Nouvel Obs, il convenait avec Daniel Cohn-Bendit que les partis n’étaient plus les instruments les plus adaptés pour agir.
Avec le PS, il eut pourtant un long compagnonnage. « Sa capacité d’indignation était sans limite, sauf celle de sa propre vie », a réagi l’Elysée. Ami de Pierre Mendès-France et de Michel Rocard, Stéphane Hessel fut longtemps l’une des consciences du PS. En octobre dernier encore, lors du congrès du parti à Toulouse, il avait défendu une « motion » dont le titre résume la ferveur qu’il conservait : « Plus loin, plus vite. » Récemment, il jugeait ainsi le début de mandat de François Hollande : prudent, trop prudent. Pour Stéphane Hessel, on ne s’engageait jamais assez…
MESKENS JOELLE; VANTROYEN JEAN-CLAUDE

« Fidèle aux aspirations de sa jeunesse »
Pierre Galand, coordinateur général du Tribunal Russell sur la Palestine : « Stéphane a marqué l’histoire du XXe siècle, mais il a surtout donné une impulsion au XXIe par ses engagements : “Indignez-vous”, qui est un appel à la mobilisation citoyenne. Il a été l’âme du Tribunal Russell sur la Palestine, dans la mesure où c’est lui qui a encouragé le fait de poursuivre ce projet, il nous a aidés à trouver les moyens pratiques et matériels pour que celui-ci soit durable. C’est une partie des mémoires de l’humanité qui s’est éteinte. Il faut être témoin et repreneur de ses idées. C’est le seul hommage à lui rendre. »
Fabrice Colin, écrivain : « C’est un peu con, mais la mort de Stéphane Hessel me laisse tout
chose. J’avais confortablement fini par croire qu’il était immortel. »
Traqueur Stellaire, sur Twitter : « En tout cas, mourir à 95 ans avec les capacités mentales et physiques de #Hessel ben ça me déplairait pas. »
Martine Aubry, maire PS de Lille : « Une voix qui nous bousculait et qui va nous manquer. »
Edgar Morin, sociologue, sur France Culture : « C’était un homme qui est resté fidèle aux inspirations les plus profondes de sa jeunesse, et peut-être de toute jeunesse. Une inspiration à un monde plus juste, plus vrai, meilleur. Je ne l’ai jamais vu vieux, si je puis dire ; je l’ai toujours vu plus ardent que moi, plus confiant, plus aimant. »
Véronique De Keyser, eurodéputée socialiste : « Le souvenir que j’ai de notre dernière rencontre c’est cette phrase : “Mais oui, il y a toujours de l’espoir que les choses changent !” Et c’est vraiment quelque chose qui le caractérise en fait. L’espoir. Au-delà de l’indignation, qui était son leitmotiv, je retiens surtout sa bienveillance et son espoir. Et c’est peut-être ce qu’il faudrait retenir de lui dans le fond. En dépit de sa critique, il était d’une incroyable gentillesse, plein d’espoir et de bienveillance. Et c’est cette magnifique combinaison qu’il nous a léguée, qu’il a laissé derrière lui. »

« Les indignés continuent, sur le mode de l’action locale »
Monique Dagnaud est sociologue au CNRS, à Paris. Dernier livre paru : Génération Y : les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, aux Presses de sciences politiques.
Quel est l’héritage de Stéphane Hessel ?
En France, le mouvement des indignés n’a jamais véritablement pris. En Espagne, même les jeunes diplômés connaissaient un chômage incroyable, c’est de là qu’est né le mouvement. En France par contre, et sans doute en Belgique aussi, jusqu’à récemment, l’économie parvenait à intégrer plus ou moins les jeunes diplômés dans les trois ans après la fin de leurs études. Ça peut changer parce que le chômage se développe en France comme chez vous. Le mouvement des indignés a plutôt été initié par des jeunes sidérés et indignés par le sort qui leur était fait de ne pas avoir de travail alors qu’ils avaient réalisé un effort intellectuel et financier. C’est ça, le mouvement des indignés et, après, plein de gens se sont agglomérés autour de ça. D’autres jeunes en chômage, des couches sociales touchées par la crise, tétanisées.
En France, il n’y a guère eu de mouvement mais le livre de Stéphane Hessel a été suivi d’un soutien, d’un enthousiasme, d’une adhésion absolus, même encore aujourd’hui. Hessel incarnait quelque chose. Une incitation à la résistance, à se révolter contre le monde tel qu’il évolue, à s’indigner de l’emprise de la finance, des riches. La résonance dans la population française a été forte. Hessel a poussé ce cri d’indignation en direction de la jeunesse, en disant : résistez comme nous, nous l’avons fait pendant la guerre, ayez l’esprit de la résistance, renouez avec les lois qui ont été adoptées après la guerre pour restaurer le pays. Et si nous appelons les mouvements « Indignés », c’est un amalgame entre le titre du livre de Hessel et les manifestations. Car en Espagne, c’est le Mouvement du 15 mai, aux Etats-Unis, c’est Occupy Wall Street
Ces mouvements sont-ils toujours vivaces ?
Les mouvements n’ont plus la force médiatique des années précédentes. Mais, en Espagne par exemple, l’état d’esprit existe toujours sous la forme de mouvements de quartier, de jeunes qui retournent vivre à la campagne pour une sorte d’économie d’autosubsistance… Des tas de choses continuent à exister en Espagne, de l’ordre de la rébellion, de la résistance, sur le mode de l’action locale. Ce sont des mouvements qui se situent en dehors de la sphère politique, qu’ils voient comme totalement impuissante et finalement disqualifiée pour résoudre leurs problèmes.
Beppe Grillo, en Italie, c’est le même phénomène ?
Dans mon dernier livre, j’avais repéré un esprit « lol » chez les jeunes, et un rapport à la politique très sarcastique : « lol », c’est rire à gorge déployée. Le prolongement de cet état d’esprit « lol », c’est l’élection du maire de Reykjavík, en Islande, en juin 2010. Totalement hors système, et qui tourne le système en dérision, alors que les indignés, eux, le dédaignent. Grillo c’est l’équivalent de ce maire.

La grosse manifestation syndicale à Bruxelles contre l’austérité, un mouvement d’indignation ?
Pas vraiment. Le mouvement des indignés se situe hors système politique traditionnel. Or les syndicats ont une sorte d’articulation avec les partis. La caractéristique des indignés, c’est plutôt une protestation morale avec une utilisation très forte des réseaux sociaux et des occupations de lieux publics. Eux s’installent quelque part, les syndicaux organisent des défilés.
« Force et faiblesse de l’apolitisme »
Sophie Heine est maître de conférences à la Queen Mary University of London. Dernier livre paru : Pour un individualisme de gauche, aux éditions Lattès.
Le mouvement des indignés a-t-il disparu ?
Non, il continue, mais d’une autre façon. Le mouvement est devenu ponctuel, avec une dimension très démocratique et très libertaire. Et de façon plus locale.
Les choses n’ont pourtant pas changé ?
Non. Mais, dès le début, le mouvement a souffert d’une absence de capacité à passer au mode politique au sens large. Les Indignés ont été très récalcitrants aux tentatives de collaborer avec les partis. C’est le problème des mouvements sociaux de ce type : la difficulté à s’organiser.
L’altermondialisme a réussi pourtant, à ce sujet.
Oui, l’altermondialisme a réussi à tisser des liens avec la politique, même si ces liens étaient tendus. Il y a une tension entre la volonté de contracter des liens avec la réalité populaire et en même temps de faire du lobbying après des acteurs politiques idéologiquement proches. Mais, depuis le début, les Indignés ont clairement exprimé leur volonté de ne pas faire de politique. C’est lié à leur message. Ils ne sont pas antipolitiques puisqu’ils appellent à davantage de démocratie. Mais leur organisation, leur type d’expérience est résolument apolitique sinon antipolitique. Il y a un refus de se qualifier de gauche ou de droite. Il y a le fait de ne vouloir être que des citoyens ordinaires. C’est la force du mouvement, parce qu’il dispose ainsi d’une large légitimité. C’est aussi sa faiblesse : aucun mouvement social ne peut perdurer sans avoir des liens, même sous tension, avec certains pouvoirs politiques.
Ce mouvement se veut à la fois global et local…
C’est une autre de ses caractéristiques. Cette tension entre un message à portée globale, cosmopolite, et une organisation très locale. Les discussions se tiennent sur les nouveaux réseaux sociaux internationaux, mais la gestion du ou plutôt des mouvements reste très locale.
MCD-APL

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