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jeudi 28 février 2013

Saint Julien en Quint : Espace Public Internet...

Portraits de la médiation numérique – Mehdi Naïli – Animer un lieu public de rencontres et de liens en zone rurale montagneuse

« Animer un lieu public de rencontres et de liens en zone rural montagneuse »
Mehdi Naïli travaille à l’Espace Public Internet (EPI) – Valdec’Quint, localisé à St Julien en Quint (Drôme). Espace de rencontre situé au cœur d’une commune étendue de 150 habitants, elle-même située dans la vallée de Quint (400 habitants).
Cet espace propose 4 postes informatiques en « libre service » et un ordinateur portable permet de réaliser des opérations plus confidentielles (télédéclarations) dans un espace dédié. Mehdi, animateur, est présent deux jours et demi par semaine.
A l’extérieur, il y a un « petit carré vert » que Mehdi fait fleurir. Il y installe des tables pour que les personnes puissent s’y poser et profiter de l’extérieur – et quand l’EPI est fermé, les gens ont accès au WIFI qui reste connecté, une table et des chaises sont laissées à l’usage de tous.

C’est avant tout un lieu de rencontre. Au moment de l’entretien, des mamans et des enfants sont présents, en train de fabriquer des instruments de musique. Cet espace accueille également un bar associatif, une médiathèque, une ludothèque, des soirées y sont régulièrement organisées,
C’est aussi un lieu d’information, on peut y poser des petites annonces, y trouver des informations sur les démarches administratives, par exemple les déclarations d’impôts. C’est un lieu public ouvert à tous, dans lequel on peut faire des choses très différentes.
Cet espace multi-ressources appartient à la commune mais la gestion de cet espace a été confiée à une association, comme garantie du dynamisme du projet.
Qui sont les personnes qui viennent dans l’espace ?
Ce sont beaucoup de personnes de la commune, puis des personnes de deux des trois autres villages (Saint-Andéol, Vachères-en Quint, et Sainte-Croix), plus on est proches, plus on vient facilement ; les personnes de Sainte-Croix, les plus éloignées, vont plutôt à Die.
Viennent également des habitants de Marginac, village situé de l’autre coté du col, à 6 km, car ils n’ont pas l’ADSL, et ils sont contents de ne pas devoir aller jusqu’à Die.
Nous sommes en milieu rural donc nous accueillons des gens de tous âges : ça va de 2 ans (même si cela n’est pas pas pour de la pratique informatique) à plus de 70 ans.
Quels sont les lieux ouverts à tous, publics ou privés qui existent sur la commune ?
Il n’y a plus aucun commerce fixe dans toute la vallée, plus de café (la licence est à reprendre). Un épicier vient une fois tous les 15 jours, le boulanger deux fois par semaine. La mairie est ouverte et a une permanence une fois par semaine. Et il y a une école avec classe unique active, avec 19 élèves en primaire.
Que viennent faire les gens à l’EPI (qui a donné son nom au Centre multi-ressources..) ?
J’ai senti la façon dont, avec l’ouverture de l’EPI, on retrouvait un lieu où on pouvait venir sans avoir prévu de choses précises et rencontrer d’autres personnes. Ce lieu répond au besoin de se rencontrer. On vient à l’EPI pour boire un verre, lire une BD… faire de l’ordinateur.
Certes, tous les habitants ne sont pas encore venus. Sur les 2 jours ½ par semaine d’ouverture, nous avons environ 90 visites par mois et près de 100 adhérents – qui sont pour plus de la moitié de la commune. Une fréquentation dont nous n’avons pas à rougir je pense !
Qu’est-ce qui se passe dans cet espace ?
Je suis présent deux jours et demi par semaine. J’anime un atelier collectif hebdomadaire (les jeudis), sur un usage précis : cela va de l’utilisation de la visiocommunication à l’usage des mails, en fonction des demandes des gens. Mais comme on n’est pas en ville, c’est difficile de réunir beaucoup de personnes sur un même thème au même moment. En revanche je fais beaucoup d’accompagnement individuel. Les personnes arrivent en disant :« Tiens, j’avais envie de faire ça… tu peux m’aider ? ».
La dernière fois une agricultrice devait commander des bandes pour son semoir qui ne peuvent se trouver qu’en Allemagne. Nous avons fait les recherches ensemble. Elle s’est initié à l’informatique grâce à l’EPI pour répondre à des besoins concrets qu’elle rencontre dans son quotidien.
J’ai l’impression que nous répondons à un besoin clair et que les demandes des personnes sont très diversifiées.
As-tu des particularités en terme de propositions faites ?
Je mets en avant les outils et logiciels libres. Je profite de mon métier pour élargir l’usage de ces logiciels libres – maintenant je partage mon enthousiasme là-dessus.
Souvent des usagers font la bascule quand ils ont des soucis avec leurs ordinateurs, ils se rendent compte des avantages offerts. Pour moi c’est aussi un rôle de prévention à jouer, notamment dans les explications autour des problèmes de protection des données personnelles.
Comment raconterais-tu ton travail à une personne qui n’a jamais rencontré un animateur multimédia/numérique ?
Ce que je mets en avant c’est la façon dont je crée du lien. Je suis un animateur, j’aide les gens à se rencontrer, à échanger et je donne des outils aux personnes pour qu’elles concrétisent leurs envies. Je fais beaucoup de mise en relation.
Pour moi l’informatique, c’est un outil superbe, pour peu qu’on le maîtrise un tout petit peu, qui peut faciliter des projets, des pratiques.
Qu’est-ce qui est important dans l’existence d’une structure comme la tienne ?
C’est un des rares lieux où n’importe qui peut entrer, rencontrer des gens, avoir quelqu’un pour l’écouter. C’est un lieu public, avec une demande forte de relations.
Le besoin initial c’est l’envie de se rencontrer, mais aussi de ne pas se sentir à la marge. Ce qui se passe dans ce lieu valorise les gens. Par exemple, des personnes ont mis en valeur leurs activités en créant leur site internet, d’autres reprennent confiance en leur capacité de « se mettre à la page ».
C’est aussi une ouverture sur le reste du monde, cela permet de décloisonner son lieu de vie. Nous sommes dans une petite vallée isolée, au sein d’un territoire isolé, au pied des montagnes, au fin fond de la Drôme. L’EPI, c’est le moyen de rester connecté avec les autres et, au niveau local, l’occasion d’échanger facilement.
Par exemple pour les démarches administratives, Internet va faciliter la vie, car d’ici, Crest, la plus proche ville de taille moyenne, c’est à 40 km !
Mon contrat se termine à la fin de l’année et les personnes commencent à s’inquiéter sur le devenir de l’espace et de ce qui s’y passe.
Comment es-tu arrivé à ce poste ?
J’ai fait des études de langues étrangères : anglais, allemand, espagnol. Suite à quoi je suis venu dans le Diois pour travailler sur la coordination d’un réseau d’écoles européennes afin de construire un projet pédagogique de rencontres entre classes du primaire. Après j’ai passé une licence de FLE et je suis parti en Géorgie et en Hongrie pendant 2 ans. Je suis revenu à Crest, en m’investissant dans des fermes, dans le milieu associatif local. J’ai entendu parler des animateurs TIC, du développement des EPI et cela m’a intéressé. J’ai alors décidé de candidater et suis arrivé ici à Saint-Julien-en-Quint il y a près de deux ans maintenant.
Avant de commencer, que pensais-tu sur ce métier d’animateur numérique ?
Une des craintes que j’avais, c’était de ne pas être assez technique et en fait en creusant je me suis rendu compte que les compétences sont doubles : animation et technique. Pour moi le point commun, le fil rouge de mon parcours professionnel, c’est l’animation, la transmission de savoirs.
Quelles sont les qualités essentielles à avoir pour bien faire ce métier ?
De la patience, sinon c’est mort ! Et puis être pédagogue, cela veut dire être capable de se mettre « dans la peau » de la personne, de comprendre ses références, ce qu’elle recherche, de mettre en correspondance les outils correspondants et présenter les choses de manière à ce qu’elle puisse se les approprier naturellement.
Comment vois-tu évoluer ce métier ?
Je me rends compte que plus l’informatique est utilisée et plus il y a besoin de médiateurs, c’est à dire besoin de quelqu’un pour aider à faire. Les gens ont l’accès mais il n’ont pas forcément les connaissances qui vont avec. J’ai l’impression que, souvent, leurs pratiques restent limitées à leurs « premières pratiques », un usage « 1er degré » et quand ils ont des blocages techniques, ils ne vont pas être en mesure de faire l’effort de comprendre comment le logiciel fonctionne. Car cela demande du temps, c’est vrai.
L’atout du médiateur c’est qu’il a des connaissances, un savoir-faire et il va permettre à la personne d’acquérir rapidement des connaissances pour son propre usage.
Ce besoin me semble perdurer dans le temps, en même temps que les évolutions technologiques.
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Mehdi s’est tiré le portrait…
Comment s’articule sur le territoire le lien entre le numérique, le développement local ?
L’association qui porte l’espace a une vocation d’animation locale et pour financer l’EPI on organise régulièrement des événements. Par exemple, en mai on fait un spectacle de contes, financé par un Loto, lui-même organisé pour le financement de l’EPI. Tout se tient !
J’ai aussi proposé à l’association un projet de marché festif bio, en lien avec l’association et l’EPI. Cet événement pourrait avoir lieu les étés sur la commune de Sainte-Croix et servir à la fois à mettre en avant les producteurs bio du Diois, à promouvoir les alternatives, à créer de la rencontre, et à proposer une soirée festive.
J’ai utilisé le numérique pour sonder les producteurs, et le Net pourrait avoir toute sa place à nouveau pour la communication de l’événement et la valorisation du travail des producteurs (portail internet, boutique en ligne…).
Comment tu travailles au sein de tes réseaux ?
On a fait une rencontre des EPI du Diois et du Dieulefiltois, tous des espaces ruraux, à une plus petite échelle, qui se situent dans un cadre « commun », nous avions besoin de pouvoir discuter entre personnes confrontées aux mêmes problématiques. On réfléchit à un projet de cartographie sur le territoire, qui reposerait sur Open Street Map.
Comment souhaites-tu évoluer professionnellement ?
Une de mes idées c’est de continuer à réfléchir à l’évolution du projet, dans la perspective dans laquelle l’espace a été construit pendant deux ans. Un travail important a été réalisé pour se faire connaître, pour accompagner des gens au quotidien, des gens très différents. Aujourd’hui des personnes qui ne se rencontreraient pas ailleurs se croisent. J’aimerais contribuer à réorienter les objectifs du projet associatif sur des questions de territoire, d’animation locale, avec une dimension liée à l’agriculture. En fait j’aimerais que le projet soit dans cette articulation entre besoins du territoire et l’outil numérique comme ressource.
Tu aurais une histoire qui résume le sens donné à ton travail ?
Ce n’est pas une histoire mais une expression que j’entends souvent et qui me semble résumer ce qui se passe ici : « Ah ben tiens, faut venir à l’EPI pour se voir ! ».
Avant de finir, un mot sur un sujet que tu aurais aimé aborder ?
Je n’ai pas parlé de mon inquiétude commune à beaucoup d’espaces (notamment de la Drôme) et qui est liée à la pérennisation. Pendant ces deux ans, j’ai fait plein de projections, j’ai mis en place plein de choses, et maintenant plus le temps se réduit avant la fin de mon contrat plus c’est compliqué de croire, imaginer et se projeter. Cela fait partie de la réalité concrète. Je crois que pour avoir des personnes qui se bougent, en lien avec les gens, il y a besoin d’une certaine sécurité. Une sécurité qui permet d’envisager l’avenir à moyen terme.
Posté le 3 juin 2012 par Stéphanie Lucien-Brun
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