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samedi 26 janvier 2013

1973, matrice de notre révolution....



1973, matrice de notre modernité
Au jeu des décennies, les seventies semblent donner une réplique sévère, parfois hideuse, à des sixties réputées plus insouciantes. Certains y ont vu le rêve en cellule de dégrisement. En réalité, les années 1970 ont hérité des sixties : il en résulte un singulier mélange, comme en témoigne l'année 73, qui est aux années 1970 ce que fut 68 pour la décennie précédente, à ceci près que l'une était un tremplin et l'autre un toboggan.
Ce qui meurt en 68, c'est cette survivance culturelle des morales bourgeoises du XIXe siècle, qui étouffait des sociétés du plein-emploi. En France, il y aura deux après-mai, comme le montre le film d'Olivier Assayas. Un après-mai gauchiste, et un après-mai socioculturel. Le premier dure jusqu'à la mort, en 1972, de Pierre Overney.
FÉMINISATION DU MONDE
Ce gauchisme de masse va finir par s'auto-dissoudre au profit de l'autre. La révolution prolétarienne n'était pas dans les gènes de 68. Ce n'était pas la veille du Grand Soir mais le petit matin des amours hier encore interdites. L'autre après-mai, culturel, sociétal, musical, libérateur, féminin, homosexuel et individualiste, triomphe. C'est à ce moment-là que paraît le quotidien Libération.
La modernité de 68, c'est l'accélération de la féminisation du monde. La pilule contraceptive, autorisée par la loi Neuwirth, prend effet en 1968. Les campagnes en faveur de l'IVG qui vont aboutir à la loi Veil, en 1974, ont libéré la sexualité féminine. "Mon corps est à moi !", proclament les féministes, qui revendiquent le droit au plaisir et à la jouissance.
L'autre modernité des années 1960 est technologique. L'économiste Daniel Cohen a écrit : "C'est par l'informatique que les étudiants élevés dans la culture contestataire des campus US des années 1960 vont trouver un moyen de briser la standardisation du monde créée par leurs parents." Ce sont en effet les hippies qui vont révolutionner l'informatique en contestant la tendance de l'industrie à concevoir des salles où étaient concentrés des mégaordinateurs : ils vont opposer à ces concentrations géantes l'ordinateur individuel, avec toutes ses applications et les réseaux qui vont avec. Leurs sociétés sont aujourd'hui les locomotives de l'économie mondiale.
LE HARD ROCK
En 1973, les Anglais de Led Zeppelin ont succédé aux Beatles et diffusent les premières sonorités de ce qui va devenir le hard rock. AC/DC voit le jour dans la foulée. Queen, né en 1970, imprime son premier single, ABBA aussi, tandis que Pink Floyd enregistre The Dark Side of the Moon.
Cette année-là, une guerre s'achève, une guerre qui aura fait plus de quatre millions de morts vietnamiens, et qui aura meurtri l'Amérique en lui infligeant une défaite militaire et morale. Les accords de paix sont signés le 27 janvier 1973.
En 1972 a commencé l'affaire du Watergate. L'enquête du Washington Post a vite déclenché la nomination d'un juge et l'ouverture d'une enquête sénatoriale. En 1973, des proches de Nixon sont poursuivis. La justice révèle l'existence d'un système d'espionnage qui a gangrené le FBI, la CIA, plusieurs organes de sécurité et la Maison Blanche. Richard Nixon démissionne en 1974. Le nouvel Hollywood a filmé cette nouvelle ère du soupçon : Le Parrain (1972), Les Trois Jours du Condor (1975), Les Hommes du président (1976), Alien (1979), avant les films majeurs sur le Vietnam où des Américains traquent d'autres Américains.
PREMIER CHOC PÉTROLIER
Une guerre s'achève, une autre recommence : la quatrième guerre israélo-arabe, celle du Kippour. Cette fois, ce sont les Egyptiens et les Syriens qui ont pris l'initiative militaire, bousculant l'Etat hébreu, qui réussit à rétablir la situation. Les régimes nationalistes arabes ne se remettront pas de ce nouvel échec : ils y perdront leur légitimité.
En rétorsion, les pays arabes producteurs de pétrole décident un embargo. C'est le premier choc pétrolier. Le deuxième accompagnera la victoire des ayatollahs en Iran. Le baril passe de 3 à 12 dollars. Mais cette crise conjoncturelle va précipiter une crise structurelle. Très endettés par la guerre du Vietnam, les Etats-Unis, en perte de compétitivité, ont misé sur une dévaluation du dollar.
En décembre 1971, ils ont remis en cause la convertibilité or de leur monnaie, et, depuis, leur monnaie dévisse. En 1973, débutent les premières réunions internationales pour tenter de réguler les changes flottants. Crise pétrolière et choc monétaire, dérive inflationniste, et c'est la croissance qui se brise dans les pays développés. Elle n'est pas revenue depuis.
Le chômage s'emballe : il frappe d'abord les jeunes, les femmes, les immigrés et les travailleurs non qualifiés. Entre 1970 et 1993, il est multiplié par quatre. L'exclusion se répand. Plusieurs tentatives de relances keynésiennes ont lieu sous les présidents Ford et Carter aux Etats-Unis, en France sous la présidence Giscard en 1974-1975. Toutes échouent, aggravant les déficits publics, tandis que l'inflation continue à s'envoler.
Les théories libérales et monétaristes ont très vite le vent en poupe, une révolution conservatrice est en marche. Margaret Thatcher la met en oeuvre dès 1979, avant Ronald Reagan l'année suivante. Mais ni l'un ni l'autre ne réussissent à juguler le chômage et les déficits.
Sous l'impulsion des pétrodollars générés par les hausses du prix du baril de pétrole se met en place un marché intégré des capitaux. Et, très rapidement, il y a déconnexion entre la finance et la production. Mobilité des capitaux, des productions et du travail, qui devient toujours plus précaire. Symbole de la finance conquérante, la place de New York inaugure, en 1973, le World Trade Center.
ENRICHISSEMENT CAPITALISTE
La mondialisation est en plein élan. C'est dans ce contexte queDeng Xiao-ping, réintégré en 1973 dans les organes dirigeants chinois, prend le pouvoir en 1978, et lance son pays dans une course effrénée à l'enrichissement capitaliste. Bingo ! La Chine est aujourd'hui la deuxième puissance économique du monde.
En septembre 1973, le général Pinochet, soutenu par la CIA, renverse le président élu Salvador Allende, qui se suicide : la junte fait 3 000 morts et des milliers de disparus. Au pouvoir, il fait du Chili le laboratoire de la déréglementation économique et sociale. L'Amérique latine est sous la botte des militaires putschistes, tandis qu'en Europe les dictatures à bout de souffle s'effondrent, dès 1974 en Grèce et au Portugal, et l'année suivante en Espagne.
Face noire encore : le terrorisme tient le haut du pavé. A côté du terrorisme palestinien, libanais, latino-américain, et du contre-terrorisme israélien, du terrorisme des séparatistes basques, corses et nord- irlandais, des groupes d'extrême gauche en Europe et en Asie, spécialement dans les trois anciens pays fascistes, l'Allemagne, le Japon et l'Italie, entrent en guerre - les horreurs commises au temps du fascisme justifiant à leurs yeux le caractère sanglant d'opérations qui se poursuivront jusqu'à la fin des années 1970. L'extrême gauche française restera longtemps dans les limites du symbolique, à l'exception du petit groupe d'Action directe, qui, à la fin de la décennie, commettra plusieurs meurtres.
En décembre 1973, paraît à Paris le premier tome de L'Archipel du goulag, d'Alexandre Soljenitsyne, Prix Nobel de littérature en 1970. Ce livre et tous ceux qui vont venir du goulag ruinent les efforts déployés par l'URSS pour faire croire à ses intentions démocratiques et pacifiques.
L'IMPLOSION
Etranglé par de mauvaises récoltes et un manque de capitaux, l'empire communiste choisit la fuite en avant et se lancera dans l'invasion de l'Afghanistan à la fin de la décennie et dans le déploiement de fusées braquées sur l'Europe. Des combattants islamistes, un pape polonais élu en 1978, une course aux armements : le communisme soviétique n'y survivra pas. L'implosion est proche.
Lorsque s'achève l'année 1973, aucun chef d'Etat ou de gouvernement, aucun historien, aucun économiste, aucun journaliste bien sûr, personne au cours de cette année-là n'a entraperçu ce que signifiait cette poignée d'événements et compris ce qui arrivait au monde, sinon qu'il était devenu hypermobile et instantané. Si, comme le disait l'anthropologue Georges Balandier, "la modernité, c'est le mouvement plus l'incertitude", alors, depuis 1973, nous sommes servis.
 Serge July, éditorialiste sur RTL, réalise des documentaires sur le cinéma.
Serge July, ancien directeur de "Libération"
Répères biographiques
Né en 1942, rencontre en 1969 Jean-Paul Sartre, avec qui il crée le quotidien "Libération", en avril 1973. Dès 1974, il remplace le philosophe à la tête du journal, et restera directeur jusqu'en juin 2006. Aujourd'hui, Il est l'un des invités du 23e Festival international du film d'histoire de Pessac (19 au 26 novembre).

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