Information Participative

Médias Citoyens Diois continu !

Retrouvez-nous sur notre nouveau site :

http://mediascitoyens-diois.info

vendredi 25 mai 2012

Il y a 110 ans...


En France, il y a cent dix ans
1902: la France vient de connaître de violentes crises sociales et une montée de l’extrême droite sans précédent. Cela fait huit ans que l’affaire Dreyfus a déchaîné les passions, divisant les opinions derrière deux grands blocs. La droite gouvernementale et l’extrême droite, bien que concurrentes dans les urnes, se sont soudées idéologiquement autour de la conviction de la culpabilité de Dreyfus et l’ont brandie comme cause prétexte à défendre le nationalisme dans son acception la plus rétrograde, à savoir militariste, xénophobe et antisémite. D’un autre côté, des bourgeois humanistes issus du centre républicain ont pris parti pour Dreyfus, contre les archaïsmes belliqueux et chauvins.
Dans ce climat, un radical (équivalent de centriste), Emile Combes, arrive à la présidence du Conseil (l’équivalent de chef de gouvernement) et entreprend de balayer le camp militaro-nationaliste en s’attaquant à son soutien le plus efficace: le clergé. L’enjeu est de taille; le clergé, avec ses racines multiséculaires et sa force de persuasion, est le relais le plus efficace de la réaction. Combes demande alors aux socialistes de soutenir sa politique. Mais les socialistes sont à cette époque un magma bouillonnant, une nébuleuse de courants contradictoires. Pour Jaurès et son courant réformiste, le soutien s’impose comme une évidence. Il faut accepter une alliance avec les membres de la bourgeoisie éclairée qui permette d’en finir une bonne fois pour toutes avec le danger militaro-clérical xénophobe.
Mais pour d’autres socialistes, parmi lesquels les membres du Parti ouvrier français du pionnier Jules Guesde, il n’est pas question de s’allier avec cette bourgeoisie «humaniste», par ailleurs responsable, au même titre que la droite, des inégalités sociales et de la perduration du système d’exploitation capitaliste. L’alliance est donc violemment dénoncée et Jaurès qualifié de traître. Contre vents et marée, Jaurès et les siens maintiennent leur soutien.
Aujourd’hui, les termes sont à réactualiser. Le mot socialisme n’a plus grand-chose à voir avec celui qui définissait le mouvement il y a un siècle. Pour aller vite, la philosophie socialiste dans son sens premier est actuellement, en France, incarnée par des mouvements tels que le Front de Gauche, le NPA (Nouveau parti anticapitaliste) ou LO (Lutte ouvrière). Quant aux socialistes contemporains, ils ressemblent furieusement aux radicaux d’hier, des bourgeois humanistes qui ne s’attaquent surtout pas à la structure capitaliste du système, mais au contraire lui donne un visage plus affable.
Emile Combes s’appelle aujourd’hui François Hollande. Et l’on voit que les similitudes de contexte sont frappantes: une extrême droite puissante, une droite pseudo-républicaine ultraréactionnaire qui défend peu ou prou les mêmes valeurs, un parti socialiste mollasson de centre-gauche et enfin une gauche militante, véritable héritière des luttes ancestrales des socialistes historiques.
Cette gauche véritable s’est divisée pendant toute la campagne sur la question du soutien ou non, au deuxième tour, à François Hollande, seul rempart malgré tout au «sarko-lepénisme» héritier politique du courant antidreyfusard (à la différence près que le «sarko-lepénisme» a troqué l’antisémitisme pour l’islamophobie). Il est fascinant de constater que des philosophies politiques nées sous la Troisième République continuent à animer et à déchirer nos voisins français. Mélenchon a suivi le chemin de Jaurès et a appelé au soutien sans enthousiasme à la gauche gestionnaire. Mais toute une frange de la gauche combative a refusé ce soutien, renvoyant dos à dos Sarkozy et Hollande, tous deux membres de la classe dominante; dans le même élan et pour les mêmes raisons, cette fraction de la gauche combative (NPA, LO) a disqualifié Mélenchon, comme Jaurès l’avait été en son temps!
Difficile de donner raison à l’une ou l’autre des ces options, les deux positions ne manquant pas d’arguments valables. Devant le danger sarkozyste, le choix de Hollande semblait toutefois un moindre mal. L’avenir nous dira si ce compromis s’est avéré judicieux ou non, sachant qu’en son temps, le gouvernement Combes parvint à amoindrir le pouvoir de nuisance de la droite xénophobe et à consolider les lois de la République, mais dans un même temps n’hésita pas à mater  les grèves jusqu’au sang pour le plus grand bonheur du patronat... républicain!
Dominique Ziegler
Auteur metteur en scène, dominiqueziegler.com

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire