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jeudi 12 janvier 2012

Pourquoi les Etats ont ils abandonné de battre monnaie ?

Ne laissons plus les banques battre monnaie
(Photo : les Diois du Réseau Transition imaginent une Monnaie Locale Complémentaire et d' autres richesse).
Aujourd’hui l’essentiel de la création de monnaie a pour origine le crédit bancaire. Quand vous empruntez pour acheter un appartement, la banque inscrit votre créance à son actif, et crédite votre compte courant de la somme, laquelle est aussitôt virée sur le compte du vendeur. Elle a ainsi créé ex nihilo de la monnaie en monétisant une créance et en détruira quand votre prêt sera remboursé. Cette monétisation de créances futures, que la Banque centrale européenne refuse aux Etats au nom du risque inflationniste, est le moyen quotidien de création monétaire par les banques. Le privilège de battre monnaie, qui était jadis celui des Etats, est maintenant, en quasi-totalité, l’apanage des banques commerciales. Dans ce contexte, la création nette de monnaie dépend de la coïncidence entre le désir des emprunteurs d’emprunter et celui des banques de prêter.
Cette situation a trois inconvénients majeurs. Le premier, noté par Keynes, est l’instabilité dans la circulation monétaire. Pendant les récessions, les emprunteurs sont moins enclins à emprunter et les banques, au bilan chargé de mauvais actifs, sont moins à même de prêter. La contraction de la création monétaire qui en résulte aggrave la récession et peut plonger l’économie dans la déflation. Le deuxième inconvénient, est que la création monétaire donne aux banques un rôle si central dans l’économie que leur renflouement en cas de crise systémique est inévitable. En cédant leur privilège monétaire aux banques, les Etats en sont aussi devenus les otages. Le troisième inconvénient est le renoncement par les Etats à des ressources fiscales substantielles, dites de seigneuriage, procurées par la création de monnaie. Celles-ci sont estimées autour de 1,5 % du PIB par an dans l’Union monétaire européenne.
Dans les années 30, un groupe d’économistes de l’université de Chicago, associé à Irving Fisher, enseignant à Yale et auteur de 100 % Money, proposa un plan de retour au monopole public de la création de monnaie. Le cœur de ce plan était de forcer les établissements financiers à détenir des réserves auprès des banques centrales égales à 100 % de leurs comptes courants. Il s’agissait ainsi de séparer le métier de prêteur de celui de création et destruction de monnaie. Si l’objectif était un meilleur contrôle de l’offre de la monnaie afin de stabiliser l’économie et d’éviter les risques d’hyperinflation et déflation, une vertu secondaire était de prémunir les banques contre le risque de panique.
Ce plan de Chicago fut soutenu par la suite par les prix Nobel Milton Friedman et Maurice Allais. Il est revenu au goût du jour à la faveur de la crise actuelle au travers de la proposition de loi introduite aux Etats-Unis par Dennis Kucinich, représentant de l’Ohio, et celle préparée au Royaume-Uni par le groupe «Positive money». L’idée est la même : ôter le pouvoir de création monétaire au système bancaire. Nationaliser la monnaie et non les banques.
Dans le plan anglais, les comptes courants ne seront plus inscrits au passif des banques. Ils resteront propriété des déposants et deviendront ce que nous pensons naïvement qu’ils sont, une réserve monétaire détenue dans un coffre électronique. Ils seront ainsi, par nature, parfaitement garantis. Pour prêter à partir de ces ressources, les banques devront en solliciter le transfert vers des comptes d’épargne. Aucune monnaie ne sera créée ainsi ; la monnaie sera juste transférée afin d’investissement depuis le compte courant des particuliers vers le compte que les banques commerciales détiennent à la banque centrale en échange d’une créance des particuliers sur les banques inscrite au compte d’épargne.
Les trésors publics des pays de la zone euro auront un compte à la Banque centrale européenne. La BCE décidera, en toute indépendance, du volume de la masse monétaire nécessaire à l’économie. La création de monnaie se fera en créditant les comptes des trésors publics. Ces derniers pourront utiliser ces ressources pour rembourser leur dette ou accroître leur financement budgétaire. Le retrait de monnaie se fera en débitant le compte des trésors publics. La politique monétaire contrôlant directement la totalité de l’offre de monnaie ne dépendra plus du crédit bancaire pour être effective.
La fonction de création monétaire est trop vitale pour être laissée aux banques commerciales. Les banques doivent redevenir des entreprises de crédit, qui échangent des ressources financières pour financer l’économie mais n’ont pas le pouvoir de créer de la monnaie.
ROMAIN RANCIÈRE est chercheur à l'Ecole des Ponts et professeur associé à l’Ecole d’économie de Paris.

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