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lundi 31 octobre 2011

Mouvement mondial d' indignation face aux politiques et aux financiers...



C’est dans l’antre de la bête au pied de la Bourse de New York que vit et croît Occupy Wall Street, villages de bâches trempées et d’idéaux illimités. Les campeurs ne sont que quelques centaines mais leur message porte loin. Plus de la moitié des Américains partagent leurs colères. Leur slogan est simple :
«Nous sommes les 99%», c’est-à-dire tous les Américains à l’exception des 1% les plus fortunés qui se partagent désormais près de la moitié de la richesse du pays. Inspirés autant des mouvements alter de Seattle que des manifestants de la place Tahrir, ils défendent un code politique formel sinon dogmatique : pas de leaders, égalité scrupuleuse entre les couleurs et les genres, pas même une plateforme ou un programme qui diviserait leurs communautés. On peut se moquer de cette catégorie très américaine des «indignés» imaginés par Stéphane Hessel et essaimés depuis de Madrid à Athènes, de Zurich à Bruxelles. On peut critiquer «l’indignation», degré zéro de la politique. Les lois de la base et du consensus ne sont pas celles de la démocratie représentative. A preuve, le soutien apporté aux campeurs par un léviathan équivoque, Obama comme les républicains extrémistes des Tea Parties, le patron de Citigroup comme Naomi Klein. Il reste que «OWS» traduit la rage et le ressentiment contre un système qui a trahi ces classes moyennes occidentales qui en furent longtemps les bénéficiaires et qui en sont aujourd’hui les victimes.
FRANÇOIS SERGENT

Perdre son travail, gagner une occupation
«We, the people, have found our voice», comme le disait le philosophe Cornell West, lors de l’assemblée générale du mouvement Occupy Wall Street, le 27 septembre. Chacune de ses phrases était répétée par l’ensemble des protestataires, non par goût du prêche, mais du fait de l’interdiction des sonos. Une voix se dupliquait, comme pour occuper - occuper quoi, exactement ? Après le printemps arabe, les mouvements de protestation en Israël, les luttes estudiantines au Chili et les émeutes en Angleterre, quelle est la spécificité de ce mouvement ?
1)«Nous sommes les 99%», disent-ils, c’est-à-dire presque tous. Ecoutons ces voix disparates dans les rues de New York. Elles expriment le renouveau d’une gauche radicale, là où les Tea Parties occupaient tout l’espace. Elles laissent entendre les aspirations de médecins, d’enseignants, de «gays, lesbians et transgenders»; vous verrez une femme voilée dénonçant l’injustice sociale, un vétéran du Vietnam… Quel point commun ? Cette question est prématurée, alors que le mouvement gagne tout le pays (Chicago, Minneapolis et son maire sympathisant, etc.) et que certains le comparent déjà avec celui des civil rights des années 60. Comme le dit Naomi Klein, un tel mouvement n’a potentiellement que le ciel pour limite ! Les coalitions politiques se définissent non par leur origine, mais au milieu du gué, quand s’affirment toutes leurs possibilités. Or, cette coalition a ceci de spécifique qu’elle tente de se rendre équivalente à un presque tous. Comme une sorte d’universel inexact, son approximation combative. N’est-ce pas ce qu’il s’agit d’inventer ? Ni une micropolitique locale ni un universel sanglant ? Ni la gauche «ONG-nizée» ni la substitution d’une horreur par une autre ?
2) En se comptant, ils affirment d’une part une puissance collective, et d’autre part désignent le 1 % soustrait du compte, celui de la «cupidité» financière responsable des crises économiques et de la dévastation écologique du monde. Simplificateur ? Demandez aux ouvriers d’Amazon qui travaillent dans la Lehigh Valley ce qu’il en est de la simplification meurtrière des conditions de travail, ou aux ouvriers qui assemblent en Chine les matériaux d’Apple avant de se suicider. Il est essentiel de nommer cet «un-pour-sang», essentiel d’écrire dans les rues et dans les textes le nouveau Contr’Un, pour reprendre l’autre titre du livre de La Boétie (De la servitude volontaire). Une telle reconnaissance de la concentration numérique de l’injustice illustre le fait qu’il y a des gens qui se moquent bien de savoir comment nous allons survivre. Il nous est permis de ne pas les compter parmi nos amis, même sur Facebook. Désormais, nous voulons nous occuper de nos affaires, surtout quand elles sont vitales.
3) Vitale est la prise en considération des dégâts du capitalisme. Il ne s’agit pas ici de s’opposer à un mouvement de réforme des retraites, de destituer un président ou de faire tomber un régime politique. Et vous ne verrez pas non plus d’Indignés : le problème n’est pas d’abord moral, mais politique. Wall Street est visé en tant que symbole d’une création de capital dont le revers est l’expropriation. Expropriation pour ceux qui ne peuvent plus payer leur loyer et sont expulsés de chez eux. Expropriation dont Marx a montré qu’il était le «secret», bien gardé, de l’accumulation du capital. Mais le secret est éventé. Et occuper Zuccotti Park au sud de New York n’est pas que symbolique : ce parc est, juridiquement parlant, un «espace public-privé» appartenant à Brookfield Properties. Ce qu’il s’agit d’occuper est ce dont on a été privé. Quand cet homme au cœur d’une manifestation à New York affiche qu’il a «perdu son travail», mais «gagné une occupation», c’est bien la question de ce qu’il faut faire de nos vies qui se pose : comment allons-nous occuper le temps qu’il nous reste avant que la situation n’empire ?
Avant de nouveaux Fukushima, de nouvelles faillites, de nouvelles privatisations à grande échelle (comme en Grèce), le capitalisme exploite le temps (de travail, de formation permanente, etc.) - comment suspendre son vol ? Quelque chose de profondément politique a lieu ici, qui n’a pas encore de nom, mais trouve ses voix. Celles de l’occupation politique du temps.
FRÉDÉRIC NEYRAT Philosophe, membre de la rédaction de la revue Multitudes Dernier ouvrage paru : «le Terrorisme, un concept piégé» (è®e, 2011).

Repères. Le mouvement Occupy Wall Street
«Les gens sont frustrés par rapport à notre système financier et les manifestants leur prêtent leurs voix.»
Susan Sarandon, Alec Baldwin, Michael Moore, mais aussi le rappeur Kanye West ou le producteur Russell Simmons… de nombreuses célébrités sont venues à Zuccotti Park et soutiennent le mouvement.
450 000 dollars de dons (318 000 euros) ont été récoltés par Occupy Wall Street, notamment grâce à des contributions de particuliers allant de 5 à 1 000 dollars. A Zuccotti Park, toute dépense de plus de 1 000 dollars est votée en assemblée générale.

«Nous expérimentons une nouvelle forme de démocratie»
Baptiste, 30 ans, Indigné de Quimper et co-entrepreneur dans la billetterie informatique, nous livre son témoignage.
«Lorsque le mouvement des Indignés a vu le jour en France, nous voulions engager une réflexion sur l’absence de démocratie réelle et sur le manque de représentativité du peuple par les élus. Depuis, nous avons réalisé que ce sujet était trop abstrait pour que tous puissent s’en saisir. Nous nous attaquons désormais avant tout au système financier et à ses dérives. C’est le sens des actions "NoG20 Uncut" que nous co-organisons aux côtés des altermondialistes d’Attac pendant le G20. De la même manière, nous allons occuper symboliquement la Défense à Paris le 4 novembre.
«Nous n’avons pas voté pour les banques, pourquoi nous gouverneraient-elles ? La planète compte 194 pays, pourquoi seuls 20 d’entre eux décideraient de l’avenir de tous les peuples ? Le CAC 40 et les plus riches usent de paradis fiscaux et de niches fiscales en toute impunité, au détriment de nos services publics. Les politiques d’austérité nous sont présentées comme des fatalités, mais nous ne sommes pas dupes : ce n’est pas une crise, c’est une arnaque ! Nos élus sont censés rendre des comptes, pourtant on les protège de toute mise en cause judiciaire ! Nous sommes face à un monde rempli d’injustices et d’insécurité humaine, qui n’est pas l’insécurité que le gouvernement a voulu nous vendre en 2007. Vivre décemment : voilà la vraie préoccupation des gens ! C’est cette injustice-là qui nous fait nous lever et nous indigner.
«Nous n’avons pas de solutions toutes faites pour instaurer une démocratie réelle. Nous sommes dans une démarche d’imagination collective, qui vise à redonner envie de faire de la politique et de s’engager. L’une de nos pistes de réflexion est la création d’une démocratie participative. Celle-ci pourrait s’exercer par le biais de conseils de quartiers dotés de moyens réels. Nous aspirons à un vrai dialogue entre élus et citoyens, où chacun assume sa part de responsabilité pour mieux vivre ensemble. Nous voulons aussi ouvrir des espaces d’expression libre, sous forme d’assemblées générales enfin épargnées par la répression policière.
«Nous expérimentons nous-même une démocratie directe à petite échelle lors de nos "agoras", basée sur l’autogestion, attentive à la parole de chacun. Nous n’avons pas de leader, nous fonctionnons "à l’horizontale", avec des commissions chargées de se pencher sur divers thèmes. Nous nous servons de codes gestuels lors des prises de parole pour ne pas interrompre celui qui s’exprime et ne pas laisser les applaudissements influer sur la foule. Par exemple, lever les deux mains en l’air et les secouer permet de signifier son accord avec ce qui est dit, mettre les mains en croix au-dessus de sa tête veut dire que l’on est en désaccord total.
«A son rythme, le mouvement des Indignés prend de l’ampleur en France. Ici, il y a moins de chômage chez les jeunes qu’en Espagne ou ailleurs et nous disposons encore d’amortisseurs sociaux. La société française semble plus cloisonnée qu’en Espagne. Nous sommes confrontés à la répression policière ainsi qu’à des tentatives de récupération par des partis politiques. Mais le mouvement des Indignés est convergent et non clivant. Nous sommes les "99%", l’autre pour-cent ne pourra plus décider dans l’impunité !»
LAURA THOUNY

Mouvement des Indignés: «En France, c'est chacun dans son coin»
Professeur d'anthropologie à Paris VIII, Alain Bertho explique pourquoi le mouvement des Indignés a du mal à prendre en France...
En France, le mouvement des Indignés prend moins que dans d’autres pays, alors que le livre de Stéphane Hessel s’est vendu à plus de deux millions d’exemplaires. Comment l’expliquez-vous?
C’est certes un mouvement international, aux enjeux internationaux mais qui est extrêmement tributaire des conjonctures nationales. En Grèce, en Espagne, les jeunes sont plus nombreux, ils sont plus au chômage. Et ils ont moins de possibilité d’espoir dans une politique d’alternance car les gouvernements en place sont déjà socialistes. En France la conjoncture est différente, les dégradations semblent moins irréversibles et il y a devant nous une échéance politique importante, la présidentielle qui peut capter une part du mécontentement.
Ce serait parce que le discours des indignés pourrait avoir un débouché politique avec certains hommes politiques, comme Arnaud Montebourg ou Jean-Luc Mélenchon que le mouvement est moins fort?
Je ne pense pas qu’il faut parler de débouché politique. Ce n’est pas ce que cherchent ces mobilisations qui portent une méfiance  profonde  à l’égard vis-à-vis du système politique et des partis. La lutte contre la corruption des partis et des pouvoirs est le point n°1 de l’appel des Indignados espagnols. Il y a parfois un écho des positions de ce mouvement chez certains hommes politiques. Mais je crains que cela ne reste qu’un écho.  En France, il faut peut-être donner rendez-vous au mouvement des Indignés en septembre 2012.
Ce qui est paradoxal, c’est que la France a une tradition contestataire…
Les nombreux mouvements de protestations et d’émeutes dans le monde concernent pour l’essentiel des jeunes,  qui sont face à l’absence de revenus, de travail et d’avenir. Dans certains pays, la jeunesse entière se retrouve à un moment réunie ensemble autour d’un mouvement de protestation, et agrège ensuite des gens très différents. Ça a été le cas dans la révolte tunisienne et même en Grèce. Dans le nord de l’Europe, du moins en Angleterre ou en France, c’est plutôt chacun dans son coin. Les étudiants et les jeunes universitaires d’un côté et les jeunes des quartiers populaires de l’autre. Chacun des mouvements se confronte au pouvoir mais ne se sent pas concernés par les revendications de l’autre. Ça a été le cas en 2005, où il y a eu les émeutes en banlieues et ensuite le fort mouvement de protestation contre le CPE. Les deux mouvements ne se sont d’ailleurs pas très bien entendus. Cet situation pèse: le mouvement des Indignés ne trouve pas d’écho en banlieue alors qu’objectivement, il aurait toute les raison d’en avoir.  Pourtant, si on est attentif, il n’y a pas une semaine où il n’y a pas de signes de révolte. La tension comme la désillusion est permanente. Mais quand les deux jeunesses sont séparées, le passage à un mouvement qui mobilise de l’espoir est plus compliqué.
Comment ces deux jeunesses peuvent-elles se rejoindre?
Tout cela est très mystérieux. De tels événements peuvent survenir, sans que l’on sache comment. Lors des manifestations contre les retraites en octobre  2010, j’ai pu observer un début de synergie au moment du mouvement lycéen en banlieue parisienne, à Lyon, dans le Nord... Difficile de savoir où cela en est aujourd’hui. Ce qui est sûr c’est que lors des deux derniers grands mouvements de protestation, contre la réforme des universités et la réforme des retraites, des millions de gens ont fait l’expérience d’un Etat qui ne négocie pas. Ils étaient face à un mur et qui a pu dire qu’ils faisaient bien de manifester car «c’est ça la démocratie» mais que cela ne changerait rien aux décisions gouvernementales. Des défaites comme celles-là se digèrent doucement. Les plus jeunes en tireront sans doute des conséquences.
Y-a-t-il des points communs entre tous les mouvements de protestations, aux Etats-Unis, en Israël, en Espagne, en Grèce, en France, au Sénégal?
Le premier point commun c’est la jeunesse, qui vit une situation grave comme rarement atteint ces deux derniers siècles. Il y a un désarroi planétaire et une absence totale de réponse idéologique. C’est «no future» au niveau économique, au niveau écologique et au niveau politique. Alors qu’il y a plus de jeunes, plus citadins et qu’ils sont plutôt plus éduqués que leurs aînés. Cela donne des explosions un peu partout, sous des formes différentes. Les émeutes sont en croissance constante depuis 10 ans, il y en a des centaines tous les ans. Cette année un seuil a été passé: les mots et les idées de la révolte circulent, ce qui n’était pas le cas avant. Les révolutions arabes traversent la Méditerranée et prennent une autre forme, reviennent puis traversent l’Atlantique jusqu’à Wall Street. 
Quelle est la particularité de ce mouvement?
Il y a 10 ans, les altermondialistes se battaient contre une sorte de «gouvernement mondialisé». Aujourd’hui, ceux qui protestent ont le sentiment que tout se décide à une autre échelle, celle des banques et de la finance. Mais qu’il y a une articulation avec les gouvernements locaux, il y a donc un ancrage national possible de la mobilisation. Il y a enfin une idée qui monte: cette mobilisation- là, celle de l’exigence de «démocratie réelle», de prise en compte de la réalité de la situation et de la parole des gens, ne passe ni par la course au pouvoir, ni par les organisations qui s’y consacrent, les partis. Une autre conception de la politique se cherche, en rupture avec deux siècles de démocratie partisane et représentative, en phase avec l’époque et ses enjeux.
Maud Pierron

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