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jeudi 20 octobre 2011

France : Les femmes et les hommes de plus en plus pauvres...

Chiffres de la pauvreté : la campagne présidentielle commence par une arnaque grossière
 « Libération » a aujourd’hui rendu publiques les principales conclusions d’un rapport du gouvernement sur l’évolution de la pauvreté de 2006 à 2009. Un entretien avec Roselyne Bachelot accompagne l’article. Le rapport lui-même n’est pas disponible à ma connaissance. Mais on en connaît assez pour, au choix, rire franchement ou s’indigner. Les deux pour ma part. Le principal résultat de ces chiffres truqués est une nette réduction du taux de pauvreté et du nombre de pauvres de 2006 (ou 2007 selon les cas) à 2009 : le taux de pauvreté « gouvernemental » passe de 13,1 % en 2006 à 11,8 % en 2009, et le nombre de pauvres de 7,5 millions en 2007 à 7,1 millions en 2009. Je n’en sais pas plus pour l’instant.
Mon commentaire « à chaud » sera bref .
D’abord, cette arnaque, qui aboutit aujourd’hui, se prépare depuis fin 2007 (mais un semblable rapport a été rendu public en 2010 et est disponible en ligne). J’écrivais le 6 décembre 2007 : « En arrière fond de ces débats, on trouve l’engagement public de réduire de 7 à 5 millions le nombre de pauvres d’ici 2012. Faisons le pari : la seule façon d’y parvenir avec ce qui se profile, en l’absence d’engagements financiers et humains massifs de l’État, sera de changer la définition statistique de la pauvreté… Bien des pauvres sortiront alors avec bonheur des chiffres de la pauvreté »… Il suffit pour cela… « de recourir… à une définition de la pauvreté en termes absolus (l’accès à un panier fixe de biens) et non en termes relatifs (une fraction du revenu médian de la population). »
Pour le dire autrement : l’indicateur Hirsch-Sarkozy revient tout simplement à minorer le seuil de pauvreté en le bloquant au niveau atteint plusieurs années plus tôt. Le miracle statistique peut alors se produire.
Et j’indiquais le 14 mai 2008, dans un autre billet, après l’annonce officielle de la mise en œuvre du nouvel indicateur « ancré dans le temps » : « Eh bien, nous y sommes ». J’ajoutais « Avec cette méthode, Martin Hirsch pourrait réduire le nombre de pauvres de 1,7 million entre 2006 et 2012 sans rien faire, sauf un tour de passe-passe statistique. ». J’en apportais alors la preuve.
Comme vous le constatez, tout cela a été décidé bien AVANT LA CRISE, dès la fin 2007, alors que tout le monde sentait que, crise ou pas, l’explosion de la richesse des très riches, objectif central de notre Président, avait comme contrepartie l’augmentation de la pauvreté.
LA CRISE A BON DOS
C’est l’argument de Roselyne Bachelot : « nous avons pris de plein fouet une crise d’une brutalité extraordinaire ». La magie de l’indicateur du gouvernement est que la pauvreté recule en dépit de cette « brutalité » ! Et comme cette personne n’est pas à une contradiction près, elle compare la situation française, mesurée avec son indicateur « Sarko », avec l’Allemagne, où dit-elle le taux de pauvreté a grimpé de 13 % en 2005 à 15,5 % en 2010. En oubliant au passage que l’indicateur allemand est, comme partout en Europe, celui de l’Insee (60 % du revenu médian), et que, selon l’Insee, notre taux est passé de 12,6 % en 2004 à 13, 5 % en 2009. En oubliant aussi de noter que, tiens, les Allemands ont déjà leurs chiffres de 2010 alors que nous devrons attendre l’automne 2012 pour avoir les nôtres !
Plus fondamentalement, la relation entre la crise et la pauvreté est à double sens : l’inégalité croissante est à la fois un facteur central de crise et, dans bien des cas, une raison majeure de l’extension de la pauvreté. C’est ce qui s’est produit entre 2004 et 2007 : les conditions d’émergence de la crise s’accumulaient, et le taux de pauvreté progressait déjà.
Je fais un nouveau pari : Nicolas Sarkozy n’hésitera pas à utiliser son indicateur truqué dans sa campagne, bien qu’il soit refusé ou fortement critiqué par la quasi totalité des statisticiens de l’Insee ou des ministères, économistes, le CNIS (Conseil national de l’information statistique), Eurostat (suivant les recommandations du Conseil européen de Laeken en 2001), l’Observatoire national de la pauvreté, les associations, bref tout le monde sauf lui et ses affidés. Mais il existe des cas où la ficelle est décidément trop grosse pour que ça passe. Faisons en sorte qu’il se ridiculise lorsque son bilan sera en débat, dans ce domaine et dans bien d’autres.
Jean Gadrey
Jean Gadrey, 67 ans, est Professeur émérite d'économie à l'Université Lille 1.
Il a publié au cours des dernières années : Socio-économie des services et (avec Florence Jany-Catrice) Les nouveaux indicateurs de richesse (La Découverte, coll. Repères).
S'y ajoutent En finir avec les inégalités (Mango, 2006) et, en 2010, Adieu à la croissance (Les petits matins/Alternatives économiques).
Il collabore régulièrement à Alternatives économiques.
Voici les liens vers deux autres de mes billets sur le sujet :

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