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dimanche 18 septembre 2011

Le sens de l' âge...


Le sens de l’âge : un beau voyage au pays des vieux
Une fois n’est pas coutume, les salles de cinéma mettent à l’affiche, à partir de ce mercredi 14 septembre, un documentaire doux et serein sur la vieillesse : « Le sens de l‘âge ». Le réalisateur, Ludovic Virot propose une plongée au pays des vieux. C’est un voyage lent sans être long, esthétique sans tomber dans l’esthétisme. Ici pas d’images chocs, pas de bons sentiments ruisselants, pas de dénonciation auto-satisfaites mais simplement la rencontre tranquille avec des personnes très âgées et sereines. Au pays du grand âge, le film ne nous présente pas le monde de oui-oui, mais cherche simplement à montrer des femmes et des hommes qui font avec, qui ne se lamentent pas sur les pertes, qui passent à autre chose.
Ce film est important car, pour une fois, il montre la normalité du vieillir. Des femmes et des hommes qui négocient avec leur fragilité, qui bricolent avec le quotidien, qui continuent de pratiquer le métier de vivre. Comme 80% des octo et nonagénaires, les témoins présentés dans le film sont en grande autonomie même si leurs gestes sont parfois lents et pas toujours assurés (il faut voir la scène où une vieille personne se lance sur ses patins à glace et prend son bonheur d’avoir pris son risque).
Ces personnes sont lucides sur l’âge qui avance mais jamais défaitistes. Elles ont abdiqué beaucoup de choses mais sans rancune et sans regrets. Ces aînés ne cherchent pas à ressembler à la norme, ne tentent pas de « faire jeune », ils vivent libres. Ludovic Virot les aiment et cela se voit. Ce documentaire sur les vieux est neuf car il montre à sa façon le projet de vie de personnes qui ne lâchent pas prise. Le film est une mise en pièce de la représentation dominante qui associe toujours prise d’âge et perte totale d’autonomie.
Des personnes qui voyagent léger
Ce film est aussi une ode à la lenteur et à la sobriété. Pierre Sansot aurait adoré ce film et ces personnes. Il y a dans leur façon de vivre, de se raconter, une élégance, une légèreté qui apaise. Ces aîné(e)s expriment une réelle sérénité par la parole, le regard ou l’attitude de ces personnes qui voyagent léger, qui se sont délestés des rancoeurs accumulées comme des biens et des objets inutiles. Sans le savoir, Frida, Madeleine ou Jean font une critique sans appel de la société de consommation !
Le film est une réussite, soutenue par des haïkus écrits sobrement sur un fond noir et par une musique présente sans jamais s’imposer, qui plonge le spectateur dans une atmosphère bienveillante, reposante et douce. Il y a comme un moment de grâce, un temps en suspend, une parenthèse de pur plaisir à écouter et voir ces personnes se raconter avec simplicité et intensité. Pas d’envie que le film se termine, désir de continuer la conversation avec ces merveilleux vieux.
Dans cette époque où la pression normative se fait toujours plus forte, dans ce monde de l’image et du paraître, découvrir et suivre ces personnes singulières mais si universelles a quelque chose de rassurant et de… juvénile.

Pour 2011, le gouvernement avait mis en tête de son agenda la réforme de la « dépendance ». François Fillon vient d’annoncer qu’il faudrait encore attendre… Après tout c’est un sujet dont on parle seulement depuis 1962.
Le terrain avait été préparé sur un modèle de storytelling devenu classique : dramatisation du risque de « tsunami gériatrique », à partir de rapports parlementaires, lancement de pistes pour tester le corps social puis phase de concertation (pour une fois, notons-le, longue et utile avec des débats décentralisés et des groupes de travail plutôt sérieux), menée par Roselyne Bachelot. Si, à l’origine, l’élargissement  de la protection sociale (la création d’une cinquième branche de couverture des risques) était évoqué, la majorité semblait s’orienter vers une privatisation et une individualisation via un système d’assurance facultative ou obligatoire et le recours sur succession.
Pour raison garder…
Rappelons d’abord quelques données qui permettent de déconstruire le discours dominant. L’ensemble du budget censé couvrir la charge de la perte d’autonomie lié au vieillissement est évalué à 22 Mds€/an, soit environ 1,1% de la richesse annuelle créée en France. Dans ce total, on fait tenir l’ensemble des coûts y compris ceux liés au quotidien des personnes indépendamment de leur état de santé (restauration, hébergement…). Surtout, les prévisions annoncent que d’ici à 2025-2030, la dépense devait passer à 30 Mds€ (Rapport du CAS, 2006). Une augmentation incontestablement importante mais qui, au regard de l’évolution économique attendue, paraît gérable d’autant que ces 30 Mds€ devraient représenter encore et toujours… 1,1% de la richesse puisque entre temps cette dernière continuera d’augmenter (je ne discute pas ici du contenu de cette croissance !). Tout cela semble parfaitement gérable.
En fait, il y a une sorte de confusion – entretenue- entre la hausse du nombre des plus de 80 ans, qui passeront de 3 à 7 millions de personnes d’ici à 2040, et l’augmentation des personnes dites « dépendantes ». On voudrait faire croire que vieillir c’est tomber dans la dépendance. Or, seulement 20% des plus de 85 ans sont réellement en situation de forte perte d’autonomie. D’ailleurs, le rapport Vassel/Mariani prévoit de passer de 700 000 personnes âgées dépendantes (touchant l’APA) en 2002 à 1. 230 000 en 2012 et 1.600 000 en 2040…. On est loin d’une explosion non-maîtrisable !
Aujourd’hui, nous avons un système complexe qui repose sur l’intervention de l’Etat et sur l’aide (principalement à travers l’APA – Aide personnalisée autonomie-) apportée par le Conseil Général (que l’Etat cofinance à 22% contre un engagement de le faire à parité). Mais celles et ceux qui doivent faire face à la perte d’autonomie d’un proche vieillissant sont aussi mis directement à contribution non seulement par l’accompagnement de proximité (ce sont les aidants informels ou familiaux qui interviennent au domicile) mais aussi financièrement. La contribution « invisible » des familles représente 10 Mds€ par an. Une paille ! Lorsque la personne en perte d’autonomie est en maison de retraite, dans la majorité des cas, l’entourage se retrouve à mettre la main à la poche pour combler l’écart entre le prix de la résidence et l’apport de l’aide sociale et de la pension retraite. Ce que l’on nomme le reste à charge peut aller jusqu’à 2 000 € par mois alors que le niveau moyen de la retraite est de 1 300 €.
Assurance privée ou solidarité ?
Dans un moment marqué par la problématique de l’endettement public, le financement de la perte d’autonomie interroge les conditions de la mobilisation de la solidarité.
Le choix implicite du gouvernement Sarkozy en faveur de l’assurance privée se justifie par la volonté de ne pas accroître les prélèvements obligatoires ni d’augmenter les déficits publics. Sauf que rendre obligatoire de s’assurer contre un risque revient bien à accroître dans les faits les prélèvements sur les personnes…. Sans compter que les projets de ce type s’accompagnent généralement d’aides fiscales qui sont autant de manque à gagner pour la collectivité.
La mobilisation des assurances privées nécessite une éthique des règles de remboursement qui interroge. Le coût de cette assurance peut apparaître indolore si elle est prise très tôt (dès 50 ans) mais représente à la longue une sacrée somme et avec le risque de difficultés à faire valoir ses droits 30 ou 40 ans après qu’elle a été contractée. Une personne fragilisée sera en situation inégale face à des professionnels aguerris…
Mais une autre optique est possible pour dégager ces 8 Mds€, d’ici à 2040, en privilégiant des financements publics et sans accroître l’endettement : rechercher des recettes nouvelles (ou revenir à des recettes abandonnées…) qui ne pèsent pas sur le travail ni sur les plus modestes.
Le levier principal devrait être de financer le soutien à la perte d’autonomie lié au vieillissement par une hausse du produit de la taxation de l’héritage. Depuis une vingtaine d’années, l’Etat a pris un malin plaisir à se tirer une balle dans le pied en réduisant très fortement l’impôt sur les successions alors que cette prime à la rente ne répondait à aucune logique de soutien à l’activité mais visait simplement à alimenter l’épargne de patrimoine. Le produit de la hausse de la taxation de l’héritage (2,5Mds€ par an, si l’on retourne à la règle d’avant 2007, et 4 Mds€ par an, si l’on revient aux années 1990) peut couvrir plus de 50% des nouveaux besoins et permettre à l’Etat de remplir ses engagements de co-financement de l’APA.  Autre apport : l’augmentation progressive du taux de la CSG sur les pensions de retraite pour atteindre le taux appliqué, de 7,5% sur les revenus d’activité. Cela rapporterait à termes environ 2 Mds€ (en conservant l’exonération et le taux minoré de 3,6% pour les retraites les plus modestes). D’ailleurs, selon le CAS, le total des mesures dérogatoires fiscales et sociales au bénéfice des retraités très aisés représente 11Mds€. Enfin, dernière piste (et sans évoquer une taxation plus forte du capital qui sera nécessaires pour couvrir d’autres besoins), la limitation de la consommation de médicaments, l’encadrement des dépassements d’honoraires des médecins et le passage au forfait pour le suivi des maladies chroniques et du vieillissement viendraient diminuer la charge pour l’assurance maladie. Mais cela est une autre histoire…
de Serge Guérin, le 5 septembre 2011
Serge Guérin
Serge Guérin est sociologue, docteur (Hdr) en sciences de la communication. Professeur à l’ESG Management School, il enseigne en Master Politiques gérontologiques à Sciences Po Paris. Il a contribué depuis une quinzaine d’années à faire prendre conscience de la seniorisation de la société et a insisté sur ses effets positifs. Il intervient aussi bien sur les enjeux de l’accompagnement des plus âgés, que sur la place des seniors –et plus largement des publics vulnérables- dans l’entreprise ou encore sur la problématique de l’intergénération et des coopérations entre les personnes. Il propose un prolongement du « care » via la notion d'accompagnement et d’écologie sociale.
Rédacteur en chef de la revue Reciproques, centrée sur la problématique des aidants et du don, il propose un prolongement du "care" via la notion d'accompagnement et d’écologie sociale. Il est l’auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont dernièrement Le droit à la vulnérabilité, avec Th Calvat (Michalon, 2eme édition 2011), La nouvelle société des seniors (Michalon, 2eme édition 2011) et De l’Etat providence à l’Etat accompagnant (Michalon, 2010).

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