Information Participative

Médias Citoyens Diois continu !

Retrouvez-nous sur notre nouveau site :

http://mediascitoyens-diois.info

jeudi 29 septembre 2011

La fin du Pétrole ....

Shell : il faut quatre Arabie saoudite en plus d’ici dix ans !
J'ai d'abord cru qu'il y avait une énorme coquille dans cet article du Financial Times du 21 septembre. Mais non. Son auteur, Ed Crooks, chef du service industrie aux Etats-Unis, m'a fait part de son propre effarement. Pas d'erreur, son papier contient bien une très grosse bombe, sans doute à fragmentation.
Le PDG de Shell, Peter Voser, déclare :
« La production des champs existants décline de 5 % par an à mesure que les réserves s'épuisent, si bien qu'il faudrait que le monde ajoute l'équivalent de quatre Arabie saoudite (sic) ou de dix mers du Nord dans les dix prochaines années rien que pour maintenir l'offre à son niveau actuel, avant même un quelconque accroissement de la demande. »
Quatre Arabie saoudite ? En dix ans ? 40 millions de barils par jour (Mb/j) à mettre en production, soit presque la moitié de la production mondiale actuelle... !?
Bien entendu, Shell ne fournit pas la moindre précision pour étayer cette surenchère... cataclysmique. Peter Voser se contente de rappeler qu'il faut « entre six et huit ans » pour développer tout nouveau projet pétrolier ou gazier important. Tout ça afin de poser que « nous allons vers une grande volatilité inévitable (...) des prix de l'énergie en général. » Peter, tu donnes l'heure.
Et M. Voser d'enfoncer le clou : « Nous allons très probablement voir apparaître des difficultés dans l'équilibre offre-demande, et donc une hausse des prix de l'énergie sur le long terme. Je crois qu'il faut nous y faire. »  Là, las, le clou n'est qu'à moitié enfoncé : le patron de Shell ne donne certainement pas la pleine mesure de ce que risque d'imposer le besoin de remplacer... quatre Arabie saoudite en dix ans !
(Photo : Peter Voser, PDG de Shell [DR])
En novembre 2010, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) évoquait discrètement la nécessité de développer l'équivalent de la production de "seulement" deux Arabie saoudite avant 2020, juste pour compenser le déclin des champs existants. Déjà un défi fantastique, sans doute chimérique d'après de nombreux spécialistes (géologues, ingénieurs, militaires, financiers, etc.)
Voilà maintenant que Shell double la charge : presque la moitié des capacités de production mondiales à remplacer... en dix ans ! (Bon OK, je me calme avec la ponctuation.)
N'empêche : par quel tour de force inouï l'industrie serait-elle capable de compenser en si peu de temps le déclin apparemment plus rapide encore qu'annoncé de bon nombre des régions pétrolifères les plus anciennes et les plus généreuses, et cela avec du pétrole difficile d'accès et lent à produire (en eau très profonde au large du Brésil, avec les schistes fracturées aux Etats-Unis et les sables bitumineux canadiens, peut-être demain en Arctique, ou même avec les agrocarburants et la transformation de gaz naturel en carburant liquide) ?
Les propos tenus par le PDG de la Shell prouvent assez son propre manque d'optimisme...
* Le pourcentage de déclin annuel de la production mondiale existante mis en avant par Shell est bien plus lourd que les 2 % habituellement mentionnés. Mais 5 %, ce n'est pas un rythme invraisemblable : la production de brut européenne (essentiellement la mer du Nord) chute en moyenne de 6 % par an depuis dix ans.
* Avec un déclin de 5 % par an sur 10 ans, on arrive à un manque en 2021 de 33 ou 36 Mb/j, selon qu'on retient la production actuelle de brut, 82 Mb/j, ou la capacité maximale théorique "tous liquides" (pétroles + agrocarburants), 90 Mb/j. Cela fait bien grosso modo dix mers du Nord et un peu moins de quatre Arabie saoudite.
Le discours des compagnies pétrolières occidentales devient vraiment étrange et inquiétant. A croire qu'après avoir feint pendant des années d'ignorer le sérieux du problème posé par le pic pétrolier, plusieurs majors jouent maintenant à qui sera la plus alarmiste.
Pourquoi un tel revirement ?
Les grandes compagnies occidentales sont désormais en manque chronique de réserves fraîches de pétrole. Y compris les firmes américaines, puisque la production des Etats-Unis, ancien premier exportateur et aujourd'hui premier importateur mondial, décroît depuis plus de quarante ans.
Les puissances coloniales ont projeté très loin leurs forces pour accéder à leur fix de brut : d'abord les Britanniques en Perse et en Irak, puis les Américains en Amérique Latine et en Arabie saoudite, la France, enfin, en Afrique de l'Ouest et du Nord.
Mais depuis une ou deux décennies, ça coince de plus en plus. Même le n°1 américain, Exxon, n'est parvenu à remplacer que 95 % du pétrole qu'il a pompé un peu partout dans le monde au cours des dix dernières années.  
Alors la com' change, de conserve avec la stratégie.
À quelle vitesse la production pétrolière actuelle décroît-elle ?
Or donc, le pdg de Shell annonce qu'il faudrait trouver d'ici dix ans l'équivalent de quatre nouvelles Arabies Saoudites, rien que pour maintenir la production mondiale à son niveau actuel. Il paraît aujourd'hui très (très) peu vraisemblable que l'industrie soit capable d'accomplir un tel "exploit", ne serait-ce qu'à cause de la (beaucoup) trop faible importance des nouveaux projets d'extraction annoncés jusqu'ici.
Mais le pronostic de déclin de la production aujourd'hui existante mis en avant par Shell est-il lui-même vraisemblable ? Oui ! A y regarder de près, on s'aperçoit même du grand niveau de concordance des scénarios disponibles, qu'ils soient ou non issus de l'industrie.
Shell se fonde sur l'hypothèse d'un taux de déclin de la production pétrolière existante de 5 % par an en moyenne à l'échelle mondiale sur les dix prochaines années ― ce qui donne en effet quasiment quatre fois la production de l'Arabie Saoudite, soit... presque la moitié de la production mondiale actuelle à remplacer.
Si l'on en croit l'ambassadeur saoudien auprès de l'Opep, le taux de déclin mondial des champs existants est encore plus élevé que ce qu'affirme Shell : de « 6 à 8 % par an ». Le déclin moyen des champs d'Arabie Saoudite se limiterait à 4 %, d'après Majid Al Moneef, cité dans un câble diplomatique américain révélé par Wikileaks déjà évoqué ici.
Sadad Al Husseini, ex-n°2 de la compagnie pétrolière nationale saoudienne, m'a indiqué :
« Les taux de déclin peuvent être inversés grâce à des investissements supplémentaires, à condition que le réservoir contienne encore des réserves suffisantes. En général, une fois que les réservoirs [i. e. les champs exploités] ont épuisé 50 à 60 % de leurs réserves prouvées, il est difficile de maintenir les taux de production, et le déclin irréversible devient une réalité. »
Exploité depuis pile soixante ans, le champ saoudien de Ghawar, de loin le plus grand de la planète, a officiellement épuisé la moitié de ses réserves. Ghawar continue à fournir plus de la moitié de la production saoudienne, soit à lui seul 6 % des extractions mondiales. 
Pendant combien de temps encore ? Pour mémoire, au Mexique, le champ géant de Cantarell, l'un des rares au monde à supporter presque la comparaison avec Ghawar, voit désormais ses extractions chuter de... 14 % par an.  
Le pdg d'ExxonMobil a récemment déclaré que le taux habituel de déclin des projets pétroliers et gaziers est de « 5 à 6 % par an ». Le Wall Street Journal précise que cette situation force Exxon « à investir des capitaux considérables rien que pour maintenir à niveau sa production. Les analystes comparent ça à une course sur un tapis roulant. » 
Mais le patron d'Exxon, Rex Tillerson, tempère aussitôt : grâce à la stabilité des extractions des projets industriels les plus récents de sa compagnie, notamment son complexe géant de sables bitumineux au Canada, Exxon s'attend « à connaître un taux de déclin moitié moins important que (son) taux historique ».
(Photo : Rex Tillerson, pdg d'Exxon [Bloomberg])
Traduction : la production existante d'Exxon devrait connaître un déclin compris entre 2,5 et 3 % par an dans les prochaines années. Pas vraiment une bonne nouvelle, même si la compagnie occidentale n°1 prévoit une croissance de sa production totale (nouveaux projets compris) de 2 à 3 % par an jusqu'en 2014, notamment grâce au développement rapide de la fracturation hydraulique aux Etats-Unis. D'ici à la fin de la décennie, Exxon espère également commencer à pouvoir compter sur le développement des premiers champs de l'océan Arctique russe.
Il faudra que tout ça se mette en place très vite : un déclin de 2,5 à 3 % des champs existants implique que près d'un quart de la production mondiale du géant texan se sera évaporée dans 10 ans. On comprend pourquoi M. Tillereson qualifie d'« irresponsables » les entraves au développement de la fracturation hydraulique (le pdg du groupe français Total, confronté au même problème de renouvellement de ses réserves, ne dit pas autre chose).
 Regardons maintenant le plus pessimiste des pronostics fournis hors de l'industrie. Le sinistre scénario brandi par Robert Hirsch (seul fonctionnaire américain à avoir osé soulever la question du 'peak oil' durant l'ère Bush) table sur un déclin compris entre 2 et 4 % par an de la totalité de la production mondiale (production existante + projets nouveaux identifiés ou vraisemblables) à partir de dans quatre ans au maximum.
(Photo : Robert Hirsch, ancien patron du programme américain de fusion nucléaire. [M. A.])
Conséquence, selon Robert Hirsch (qui fut chercheur pour Exxon au début de sa carrière) :
« Au niveau mondial, le Produit intérieur brut va décroître chaque année pendant une décennie. Cette récession de l'économie mondiale pourrait facilement atteindre 20 à 30 % au total sur toute cette période. (...) Vous savez, des guerres pourraient avoir lieu. »
Le département de l'énergie américain table lui sur un déclin annuel de 3,3 % par an de la somme de la production existante et des projets futurs qui étaient identifiés en 2010, d'après un document mis au jour sur ce blog.
Dernier repère : la production de brut européenne (essentiellement la mer du Nord) chute en moyenne de 6 % par an depuis dix ans, malgré le développement de nombreux nouveaux projets entre temps.
OIL Man et Réseau Diois Transition (RDT)
04 75 21 00 56

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire