Information Participative

Médias Citoyens Diois continu !

Retrouvez-nous sur notre nouveau site :

http://mediascitoyens-diois.info

jeudi 11 août 2011

Les Japonaises et les Japonais veulent sortir du nucléaire...

La défiance du nucléaire prend de l’ampleur au Japon
Près de cinq mois après la catastrophe nucléaire de Fukushima du 11 mars dernier, l’opinion publique japonaise remet en cause la sécurité des centrales du pays.
Manifestation contre le nucléaire à Tokyo devant les bureaux de l'entreprise Tepco, le 2 août.
En dépit de leur colère à l’égard d’un gouvernement, accusé d’avoir très mal géré cette crise, les Japonais se demandent quelle énergie alternative peut remplacer l’atome.
 « Nous avons un gouvernement de m… ! » enrage Kei Kamata. Une telle insulte, proférée ouvertement face à un étranger, trahit tous les codes de politesse et de civilité propres aux Japonais. Mais elle illustre avec vigueur la colère partagée d’une grande partie de l’opinion publique japonaise à l’égard du premier ministre Naoto Kan. 
La soixantaine, mince et vigoureux, bandeau blanc autour de la tête, Kei a longtemps été ingénieur chez Mitsubishi avant de prendre sa retraite il y a deux ans. Afin de compléter ses revenus et de ne pas rester chez lui à rien faire, il a pris des cours de cuisine et a ouvert un petit restaurant dans une rue tranquille de Sendaï, capitale de la préfecture de Myagi, touchée par la catastrophe du 11 mars dernier.
Ayant beaucoup voyagé en Europe et à travers le monde pour son travail, Kei ne décolère pas : « J’ai dû regarder les chaînes de télévision France 2 ou la ZDF allemande pour vraiment connaître la vérité sur la catastrophe nucléaire de Fukushima, les taux de radiation, les dangers réels… C’est scandaleux, c’est une trahison, comment peut-on encore avoir confiance dans le nucléaire maintenant ?… »
Au-delà des traumatismes provoqués par le tremblement de terre et les ravages du tsunami dans le nord-est du Japon, la crise nucléaire de la centrale de Fukushima a profondément secoué les esprits d’un peuple jusque-là convaincu de la nécessité mais surtout de la sécurité de l’énergie nucléaire. En quelques semaines ce schéma a basculé : 82 % des Japonais, toutes générations confondues, ont déclaré dans un sondage pour le Tokyo Shimbun  souhaiter sortir du nucléaire.
Présentée comme « indispensable »
« Je visualise très bien la réalité nucléaire », explique Yuki Takahashi, 24 ans, étudiant en droit à l’Université de Tohoku à Sendaï, très actif au sein du bureau local de l’Unesco pour aider les enfants victimes et soutenir les enfants dans les écoles. 
« Comme moi, tous les enfants japonais ont visité des centrales nucléaires plusieurs fois durant leur scolarité. On nous a expliqué le fonctionnement d’une centrale, sa productivité, la distribution de l’énergie et surtout les mesures de sécurité en cas de tremblement de terre, de typhon ou autres catastrophes. » Mais dans le cas du 11 mars, les vagues de plus de 20 mètres du tsunami n’étaient pas prévues dans le cahier des charges de la sécurité du site de Fukushima.
La violente remise en cause d’une réalité nucléaire présentée depuis plus de trente ans comme « indispensable » – le Japon est un pays pauvre en ressources naturelles – et « sûre » – les ingénieurs maîtrisent la technologie nucléaire depuis longtemps – bouscule les consciences et un aussi un mode de pensée. 
« Imaginez !, interpelle Miwa Sawada, jeune professeur de français de 28 ans. Au Japon, personne n’ose critiquer son professeur à l’école. Alors remettre en cause la politique énergétique gouvernementale ou même manifester dans la rue demande un effort psychologique presque traumatisant. » 
Elle-même a contenu ses critiques contre la gestion de la catastrophe par le gouvernement. « Les gens m’auraient regardée de travers, explique-t-elle. Au Japon nous n’avons pas comme en France une culture de la critique ouverte. La vieille génération suit et croit ce qu’on lui dit. C’est moins vrai pour la jeune génération, plus consciente des erreurs et des mensonges d’un gouvernement dépassé par les événements. »
Elle aura toutefois réussi à convaincre ses parents, preuves médiatiques étrangères à l’appui, des mensonges du gouvernement. « Maintenant, ils me croient et ne font plus confiance aux informations officielles sur les chiffres de la radioactivité. » Lesquels sont imprimés quotidiennement en page 2 des grands journaux japonais sur fond de carte géographique, à l’image de la météo. Taux élevés dans la préfecture de Fukushima, moins élevés dans celle de Myagi, à 60 kilomètres de la centrale. 
Carte de la radioactivité
« Ici, à Sendaï, personne ne sait vraiment si les radiations nous touchent et dans quelle ampleur » s’interroge Miwa Sawada, lectrice assidue de l’Asahi Shimbun , en regardant la carte de la radioactivité. « Je ne sais pas si ce que je mange est propre à la consommation. Je constate que les chiffres n’augmentent pas mais ce qui m’inquiète vraiment, c’est qu’ils ne baissent pas vraiment non plus ». Invisible, le danger radioactif s’infiltre dans les inconscients et s’enracine dans la vie quotidienne, avec fatalisme. 
« On doit bien mourir un jour », lâche un jeune serveur de 22 ans dont la mère vient de la zone d’exclusion des 20 kilomètres autour de la centrale de Fukushima. Les habitants veulent aller de l’avant, regarder l’avenir, rêver d’un monde sans nucléaire, mais la peur reste présente. 
« Surtout pour les enfants », insiste Gento Sasaki, cuisinier dans une brasserie française de Sendaï, dont la sœur a pu sauver ses enfants le 11 mars en les prenant sous les bras et en fuyant de la zone radioactive de Fukushima. Yoshikazu Daigaku, le manager du restaurant serait favorable « à la fin du nucléaire. Mais en attendant de trouver une alternative, que fait-on ? » 
Lucidité et raisonnement identique pour l’étudiant en droit Yuki Takahashi : « La prise de conscience du danger nucléaire nous fait réfléchir, et je serais favorable à un arrêt des centrales. Mais on ne peut pas revenir au Moyen Âge et nous avons besoin d’énergie pour faire tourner l’économie de notre pays, troisième puissance mondiale. » 
Une société soucieuse de protéger l’environnement
La centrale d’Onagawa, à une soixantaine de kilomètres au nord-ouest de Sendaï, ne produit plus d’énergie depuis le 11 mars. Ses réacteurs ont été arrêtés pour assurer des contrôles techniques. À ce jour, seulement 18 des 54 réacteurs répartis sur l’ensemble de l’archipel, fonctionnent. 
Balayée par le tsunami, la ville d’Onagawa porte encore le deuil de plus de 1 100 personnes, sur 10 000 habitants. Plus de 70 % des maisons de la ville ont été détruites et, parmi elles, le Centre de contrôle de sécurité nucléaire…
Adjoint du maire, Seichi Sato gère le gymnase épargné par la vague où vivent encore aujourd’hui près de 400 personnes. « Nous avons eu très peur à cause de la centrale toute proche mais on nous a vite rassurés, il n’y a pas eu de fuite, soutient-il. Mais l’inquiétude demeure, car tout le monde s’attend à un autre tremblement de terre aussi puissant que celui du 11 mars. » 
Il est donc hors de question pour le moment de relancer les réacteurs d’Onagawa. « Pas avant l’année prochaine en tout cas », assure Seichi Sato.
Cette lucidité mêlée de défiance, au sein d’une société profondément soucieuse de protéger l’environnement mais dirigé par un gouvernement paralysé par une bureaucratie pesante, plonge le Japon dans une incertitude permanente. 
Et cette femme enceinte de 30 ans, inquiète pour son bébé à naître, lance : « Je ne suis ni pour ni contre le nucléaire, mais il faudrait construire une belle centrale nucléaire à Kasumigaseki au cœur de Tokyo, quartier des ministères, afin que nos hommes politiques ressentent ce que c’est de vivre la peur au ventre ! »
DORIAN MALOVIC, à Sendaï
Niveau record des radiations dans la centrale de Fukushima
Un niveau record de radiations a été mesuré entre les bâtiments de deux réacteurs de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima, a indiqué lundi 1er  août la compagnie Tokyo Electric Power (Tepco), exploitante du site mis à mal par le séisme et le tsunami du 11 mars.
Selon Tepco, le niveau de rayonnement atteint au moins 10sieverts par heure entre les réacteurs un et deux. Le précédent niveau le plus élevé de radiations dans la centrale Fukushima Daiichi, relevé le 3 juin 2011, était de trois à quatre sieverts par heure, à l’intérieur du réacteur numéro un.
Le gouvernement et Tepco prévoient toujours de stabiliser la situation à Fukushima en conduisant les réacteurs vers un état dit d’«arrêt à froid» d’ici à janvier. Diverses actions se poursuivent pour tenter de faire baisser la température du combustible, grâce à la mise en place d’un système de circulation d’eau de refroidissement.
Le Japon, un des pays les plus dépendants du nucléaire
Dans le monde
Le parc nucléaire mondial s’élève à 443 réacteurs en fonctionnement, répartis dans trente pays et qui fournissent 14 % de l’électricité de la planète. Six pays génèrent les trois quarts de cette énergie nucléaire : États-Unis, France, Japon, Russie, Allemagne et Corée du Sud.
Après l’accident de Fukushima, la progression de l’énergie nucléaire dans le monde devrait ralentir, annonce l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), mais continuer à progresser de 2 % par an jusqu’en 2030 pour atteindre 584 gigawatts (GW) de puissance installée.
Sur les 62 réacteurs en cours de construction dans le monde, 27 se trouvent en Chine, 10 en Russie, 5 en Inde et 5 en Corée du Sud. La France construit un réacteur  dit de nouvelle génération (EPR) à Flamanville (Manche).
Au Japon
Quatre des six réacteurs de la centrale de Fukushima Daiichi ont été gravement endommagés le 11 mars par le séisme et le tsunami qui ont dévasté la région du Tohoku, provoquant le pire accident nucléaire depuis Tchernobyl en 1986. Plus de 80 000 personnes ont été déplacées de la zone de 20 km autour de la centrale où les taux de radioactivité restent très élevés.
À la suite de la catastrophe, le gouvernement japonais a décidé de mener des opérations de maintenance des réacteurs, provoquant la fermeture de 36 des 54 réacteurs que compte le Japon et entraînant une campagne d’économie d’énergie. Favorable à une réduction progressive du nucléaire, le premier ministre Naoto Kan a imposé des tests de résistance aux catastrophes naturelles et autres risques avant toute relance des centrales.
En 1980, le nucléaire représentait 17 % de l’électricité générée au Japon. Aujourd’hui, la part s’élève à 30 % et elle devait être de 42 % en 2017. 80 % des besoins en énergie primaire du pays sont importés, 90 % de son pétrole vient du Moyen-Orient.
La place du Japon dans l’industrie nucléaire dans le monde est importante avec les entreprises Toshiba-Westinghouse, Hitachi-General Electric, MHI (Mitsubishi). La moitié des acteurs mondiaux du nucléaire sont japonais.
APL

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire