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mercredi 27 avril 2011

Pourquoi ne votons nous plus pour nos idées ?


Rendre les élections aux électeurs : le jugement majoritaire
21 avril 2002. Jean-Marie Le Pen, pourtant rejeté par 80% des Français, est au second tour de l'élection présidentielle, en raison de la fragmentation de la gauche ; Lionel Jospin, donné vainqueur du second tour par les sondages, est éliminé au premier.
22 avril 2012. La fragmentation s'est renforcée, dans le camp progressiste (avec potentiellement le candidat socialiste plus Bayrou, Hulot, Chevènement, Mélenchon, Besancenot, voire Chevènement et Tapie) mais aussi à droite (Sarkozy, Villepin, Borloo, Dupont-Aignan, Boutin). Les sondages actuels donnent tous Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle. Un nouveau 21 avril, "à l'envers" (élimination de Nicolas Sarkozy) ou "à l'endroit" (élimination du candidat socialiste) est non seulement possible, mais désormais probable. Même le scénario aberrant d'un "double 21 avril", Marine Le Pen contre un "quatrième homme", n'est plus impensable.
Voter est l'acte démocratique décisif. L'élection présidentielle est sa clé de voûte. Mais notre système électoral ne vieillit-il pas dangereusement ? Le scrutin majoritaire à deux tours possède un atout majeur : il donne une légitimité majoritaire au vainqueur du second tour. Mais il a des défauts en passe de devenir critiques.
Son principal défaut, c'est un premier tour dysfonctionnel : le candidat qui recueille l'assentiment majoritaire des Français peut y être éliminé. Ce fut déjà le cas en 2002. Mais 2012 pourrait en donner une version extrême. Imaginons que la situation demeure ce qu'en donnent les sondages : le candidat socialiste, que ce soit Martine Aubry, François Hollande ou encore plus Dominique Strauss-Kahn, est plébiscité au second tour. Martine Aubry et François Hollande ont dix à douze points d'avance sur Nicolas Sarkozy au second tour (55/45 voire 56/44), DSK trente points (65/35) ! Dans un duel de second tour, ils gagnent largement contre toutes les autres personnalités politiques concurrentes. En d'autres termes, le candidat socialiste, DSK tout particulièrement, est la meilleure personnalité politique du moment, celle que les Français veulent voir, dans leur large majorité, à l'Elysée.
Pourtant, cette personnalité, plébiscitée par les Français, est menacée d'élimination au premier tour, du fait de la fragmentation du camp progressiste. Martine Aubry et François Hollande ne sont d'ores et déjà pas à l'abri de dévisser, selon les sondages. Si l'un des candidats progressistes (Hulot, Mélenchon, Bayrou), aujourd'hui bas dans les sondages, venait à décoller pendant la campagne présidentielle, DSK aussi serait en risque. Or chacun de ces candidats a un fort potentiel électoral : François Bayrou l'a déjà montré, Jean-Luc Mélenchon est un orateur et campaigner hors pair, Nicolas Hulot surtout bénéficie d'un capital de sympathie et de notoriété exceptionnel.
Si un tel scénario devait arriver en 2012 – élimination au premier tour du candidat socialiste, présence de Marine Le Pen au second, réélection de Nicolas Sarkozy – alors la question de la réforme du système de vote de l'élection présidentielle serait posée. Comment accepter, en effet, que le candidat plébiscité par les Français ne gagne pas, et qu'à l'inverse soit réélu le président sortant le plus impopulaire de la Vème République ? Il y aurait là un bug démocratique majeur.
Mais l'élimination au premier tour de Nicolas Sarkozy serait également anormale. Il n'est pas légitime que Nicolas Sarkozy, qui selon les sondages balaie Marine Le Pen au second tour (de l'ordre de 70/30), soit éliminé par elle au premier. La présence de Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle est une incongruité : en duel de second tour, elle est largement battue par tous ses concurrents, elle est la dernière de tous les candidats présents. Une telle présence s'explique par la défaillance du système électoral : Marine Le Pen a un noyau de soutien électoral de premier tour élevé, alors que ses concurrents souffrent de l'éparpillement de leur famille politique. Mais le fait que les Français soient obligés de se positionner au second tour en fonction d'une candidate qui est la plus impopulaire du spectre politique français est tout simplement absurde.
Tel est le principal élément dysfonctionnel du scrutin présidentiel : placer au centre du jeu démocratique une personnalité politique pourtant rejetée par l'immense majorité des Français et, à bien des égards, la dernière des candidatures en lice ; risquer d'éliminer au premier tour le "meilleur" candidat, celui qui gagne en duel de second tour contre tous les autres candidats, et ce alors même que cette victoire de second tour s'annonce très large.
Le scrutin présidentiel a par ailleurs d'autres défauts.
Il peut amener à un biais électoral au premier tour. Pour conjurer le risque d'élimination du "meilleur" candidat de second tour, l'électeur peut être amené à "voter utile", donc ne pas s'exprimer honnêtement et ainsi fausser le résultat. Par exemple, l'électeur écologiste ne votera pas pour Nicolas Hulot, qui est pourtant son candidat préféré, mais pour le candidat socialiste, afin d'assurer sa présence au second tour et éviter de se retrouver face à un choix Le Pen – Sarkozy.
Le scrutin présente par ailleurs un caractère fruste, car binaire : l'électeur vote pour un candidat mais on ne sait rien de son avis sur les autres, de la hiérarchie dans laquelle il les place.
Le scrutin ignore toute évaluation qualitative : l'électeur fait un choix comparatif, mais le vote ne dit rien de son jugement intrinsèque sur le candidat retenu – adhésion massive ou résignation pour le "moins pire" ? Le pourcentage de vote obtenu au second tour ne renseigne guère. Il est clair par exemple que les 53% de vote qui se sont portés sur Nicolas Sarkozy en 2007 soulignent une dynamique d'adhésion beaucoup plus forte que les 82% obtenus par Jacques Chirac en 2002.
Terra Nova souhaite lancer le débat sur les défaillances de notre système de vote à l'élection présidentielle, avant qu'un accident démocratique ne nous force collectivement à le faire. Nous nous intéressons à un tout nouveau mode de scrutin, le "jugement majoritaire". Inventé par Michel Balinski et Rida Laraki, chercheurs au CNRS à l'Ecole Polytechnique, salué par la communauté scientifique, en particulier les Prix Nobel Kenneth Arrow, Robert Aumann et Eric Maskin, il donne la possibilité d'enrichir et de nuancer l'expression de son choix politique. Le "jugement majoritaire" se déroule sur un seul tour. Il demande à l'électeur d'évaluer les mérites de chacun des candidats (au lieu d'en désigner un seul), dans le cadre d'une échelle de mentions : Très bien, Bien, Assez bien, Passable, Insuffisant, à Rejeter (au lieu d'un vote binaire). Chaque candidat obtient ainsi une "mention majoritaire" : celle qui réunit plus de 50% d'opinions égales ou supérieures à cette mention. Le vainqueur est celui qui a la meilleure mention majoritaire.
Le jugement majoritaire résout l'ensemble des dysfonctionnements identifiés dans le scrutin présidentiel à deux tours.
Point fondamental, c'est bien le "meilleur" candidat qui gagne. Le jugement majoritaire protège contre le risque des candidatures multiples : rajouter ou retirer des candidats ne change pas le classement des autres. Un électeur de gauche jugera par exemple que DSK est bon ou très bon, indépendamment du nombre de candidatures à gauche.
A l'inverse, il écarte tout risque de placer le "pire" candidat au centre de la campagne présidentielle. Ainsi, Marine Le Pen, en dépit de son soutien fort par un noyau d'électeurs, obtient la mention " À rejeter " par une large majorité des Français. Avec le "jugement majoritaire", Marine Le Pen se retrouve à sa vraie place : la dernière.
Le "jugement majoritaire" rend caduc le vote utile. Il permet de donner son jugement hiérarchisé sur chaque candidat, et non sur un seul. Un électeur écologiste peut donner une mention "Très bien" à Nicolas Hulot, son candidat préféré, sans porter préjudice au candidat socialiste, son second choix, à qui il accordera la mention "Bien".
Ce nouveau scrutin donne plus de liberté aux électeurs en leur demandant de juger et non de voter : ainsi, avec douze candidats, le premier tour du scrutin usuel ne donne que treize possibles expressions d'opinion (nommer un candidat ou voter blanc) ; le "jugement majoritaire" en donne plus de deux milliards.
Il offre également une évaluation qualitative : on peut gagner avec une mention majoritaire "Très bien" ou "Assez bien", mais cela n'a pas le même sens politique.
Enfin, ultime nuance, il résiste aux évaluations exagérées vers le haut ou vers le bas et incite à l'honnêteté : voter "Très Bien" ou "Bien" pour, par exemple, Nicolas Hulot n'a pas d'influence sur sa mention majoritaire "Passable".
Ainsi, le jugement majoritaire donne la vraie hiérarchie des candidats à la présidentielle. Il garantit notamment, contrairement au scrutin présidentiel actuel, que le candidat le plus capable de rassembler une majorité de Français gagnera l'élection. Il redonne son sens à la démocratie.
Pour lire l'intégralité de la note et d'autres documents, rendez-vous sur le site de Terra Nova
Michel Balinski, Rida Laraki, Terra Nova

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