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vendredi 29 avril 2011

Accueillir l' étranger comme son frère...

"Un concours de démagogie et d'europhobie entre Paris et Rome"
Députée de Paris, Sandrine Mazetier ( photo) est secrétaire nationale à l'immigration au sein du Parti socialiste. Elle fustige un "concours de démagogie" entre Sarkozy et Berlusconi au sujet des migrants tunisiens. Elle défend par ailleurs la vision de son parti sur l'immigration.
Nicolas Sarkozy envisage une réforme de l'espace Schengen pour faire face à l'arrivée de migrants venant notamment de Tunisie...
Sandrine Mazetier : Il faut d'abord ramener le sujet dans des proportions qu'il n'aurait jamais dû quitter. Je vous rappelle qu'en janvier, Nicolas Sarkozy a justifié publiquement le remaniement gouvernemental en brandissant le risque de flux migratoires "incontrôlables" à l'issue des révolutions arabes. Depuis janvier, il y a eu autour de 20 000 migrants, ce qui est très peu à l'échelle européenne.
Que proposerait le PS à sa place ?
Nous sommes pour le respect de l'Etat de droit dans l'accueil de ces personnes. Il existe une directive européenne de protection temporaire, qui a été créée pendant la guerre des Balkans, et qui prévoit, dans des circonstances exceptionnelles, un accueil solidaire au sein de l'UE de populations fuyant des troubles. Cet accueil est alors mutualisé, et temporaire. On examine ensuite les situations des personnes et on organise leur retour si possible. Nous proposons simplement d'appliquer cette directive.
Nous disons aussi que la situation à Lampedusa [île italienne où arrivent nombre de migrants en provenance du Maghreb] ne peut pas être gérée uniquement par l'Italie. Pour l'instant, nous assistons depuis quelques jours à un concours de démagogie, de xénophobie et d'europhobie de part et d'autre des Alpes. Les personnes qui recherchent la protection de l'Europe doivent être traitées humainement, et les normes européennes doivent être respectées.
Faut-il suspendre Schengen, selon vous ?
Nicolas Sarkozy a créé toutes les conditions pour faire gonfler ce sujet. Suspendre Schengen, cela n'a rien à voir avec le fait d'en appliquer les clauses. Il existe ainsi une "clause de sauvegarde" dans le traité, qui permet à un pays de rétablir temporairement les frontières en cas de potentiel trouble à l'ordre public.
En fait, Schengen a tout prévu, sauf l'irresponsabilité de certains dirigeants actuels et leurs annonces irresponsables et disproportionnées. En outre, je rappelle que les contrôles existent toujours en Europe, même s'ils ne sont plus aux frontières. Chaque jour, on arrête des immigrés clandestins.
Quel programme propose le PS sur l'immigration ? Vous évoquez une régularisation ciblée des sans-papiers, sur des critères précis...
Nous sommes en général pour des règles et pour la régulation. La droite a créé une foule de personnes en situation irrégulière. Nous ne proposons pas de régularisation large, mais une régularisation sur des critères extrêmement précis : la durée de présence sur le territoire, le fait d'avoir un travail, la scolarisation des enfants et un casier judiciaire vierge.
Pour le reste, nous refusons l'appellation "immigration choisie", qui laisse croire qu'une partie est donc "subie". Nous estimons que les migrations de travail s'organisent s'il y a des secteurs qui en ont besoin, avec les partenaires sociaux, mais aussi avec les territoires concernés. Car oui, il y a une question économique de l'immigration, qui est nécessaire, même si ce sujet est un impensé en France, et surtout à droite.
Sur le plan européen, faut-il également mener des actions, selon vous ?
Dans le programme, nous évoquons un renforcement du droit d'asile sur le plan européen. Il faut réfléchir à des normes communes sur ce droit fondamental. En revanche, nous ne sommes pas certains que les politiques migratoires doivent se décider au niveau européen. Les situations sont très différentes entre le sud et le nord de l'Europe, les pays méditerrannéens et les pays nordiques...
Sandrine Mazetier, députée PS de Paris
Propos recueillis par Samuel Laurent

Dans le sud de l'Italie, un village déserté reprend vie en accueillant des immigrés
Riace (Italie). On l'appelle "le village des migrants". En arrivant sur la petite place de Riace, ce village du fin fond de la Calabre perché sur une colline, non loin de la côte, on comprend vite pourquoi. Les fillettes qui courent en criant, en cet après-midi presque estival, sont éthiopiennes, érythréennes ou somaliennes. Comme leurs mères qui veillent sur elles depuis l'atelier de couture, un peu plus loin. Ce n'est pas pour rien qu'à l'entrée de Riace, le panneau indique "ville d'accueil" et qu'il y a quelques jours, L'Osservatore Romano, le quotidien du Vatican, a cité cette bourgade comme un exemple à suivre vis-à-vis des immigrés.
Alors que d'un bout à l'autre de l'Italie, les Tunisiens arrivés ces dernières semaines à Lampedusa sont rejetés, le maire de Riace, Domenico Lucano, a fait savoir au gouvernement que sa commune était prête à en accueillir une partie. Une quarantaine de communes des alentours aussi se disent disponibles à emboîter le pas de Riace sur le chemin de la solidarité choisi un jour de juillet 1998.
Ce jour-là, une embarcation avec 300 Kurdes à bord échoue sur la côte. Les habitants ne réfléchissent pas à deux fois et ouvrent leurs portes. C'est le déclic. Ces étrangers arrivés de la mer constituent une aubaine pour un village en voie de dépeuplement. Riace comme tant d'autres communes calabraises est déserté par ses habitants, partis chercher fortune ailleurs.
Alors que le bourg comptait plus de 2 500 personnes dans le passé, il n'en abrite plus que quelques centaines. La découverte, en 1972, au large, des Bronzes de Riace, deux sculptures grecques du Ve siècle avant J.-C., a été la énième déception. Les statues sont parties au musée de Reggio de Calabre. Avec les touristes qui devaient affluer ici et contribuer à stopper l'émigration.
Riace comprend alors que sa richesse réside dans l'accueil des étrangers. Le village allait remplir le vide laissé par ses émigrés partis au Canada ou en Australie avec ces immigrés venus, eux aussi, de loin. "Un avenir était possible, avec une nouvelle cohésion sociale. Les gens s'en allaient, l'école avait fermé, les services de base commençaient à manquer. On se demandait à quoi bon programmer encore des travaux publics, et même tenir en vie un bourg qui se vidait petit à petit. Or, avec ces nouveaux arrivés, l'espoir pouvait renaître", explique le maire.
Assis au café ou sur les marches de l'église, les habitants semblent habitués à une situation qui leur apparaît désormais comme normale. "Nous nous sommes pas mal repeuplés, mais je peux vous dire que le village était littéralement mort", lance, satisfait, l'un d'entre eux. Un autre villageois acquiesce en regardant les enfants courir dans les ruelles : "Pour nous, ce sont tous des petits-fils."
Une association se charge de repérer les logements vides et de les remettre en état pour l'accueil des réfugiés. Ceux-ci ne sont pas laissés seuls. En attendant les subventions pour les demandeurs d'asile qui tardent systématiquement, des bons sous la forme d'une sorte de monnaie locale, à l'effigie de Gandhi, Luther King ou Che Guevara, circulent librement dans le village. Au moment où l'argent arrivera, les magasins demanderont à être réglés directement à la commune.
En attendant la définition de leur statut, les réfugiés occupent leur temps avec profit. Le silence des ruelles est rompu par des ateliers de couture, de menuiserie, de céramique, de verrerie qui ont été ouverts en vertu d'un plan régional pour l'insertion des migrants. L'idée est de transmettre aux immigrés les vieux métiers du cru.
Employée à la verrerie, Lubaba est arrivée d'Ethiopie il y a trois ans, au terme d'un long périple. En Libye, elle s'est embarquée pour Lampedusa, avant de commencer un autre voyage dans les centres d'accueil italiens, cette fois. Jusqu'à Riace où elle a décidé, enfin, de s'arrêter. "J'ai un logement, j'ai de quoi vivre, j'apprends un métier et ma fille est née ici", explique-t-elle.
Six mille réfugiés sont passés par le village au fil des années. Si beaucoup repartent, certains restent et tentent de créer leur propre atelier ou commerce. Un choix qui n'est pas facile, comme a pu le constater cette Afghane qui a ouvert Les Tricots d'Herat (ville afghane) après avoir fui son pays avec ses deux enfants à la suite de la mort de son mari. "Nous avons de quoi manger grâce à ce que j'arrive à vendre, mais c'est dur. L'hiver, c'est mieux, mais l'été, j'ai plus de mal avec les tricots en laine", explique-t-elle en travaillant sous le regard de sa fille Faeze.
Cette dernière n'a pas de doute. Son avenir est ici. Dans son italien au fort accent calabrais, elle dit se sentir "comme les autres à l'école". Plus de 200 réfugiés comme elle et les membres de sa famille ont fait le choix d'être les nouveaux citoyens de Riace.
Salvatore Aloïse

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