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dimanche 20 février 2011

Le Forum Social Mondial de Dakar s' achève....

MIGRATIONS - Le Forum social mondial est aussi l'occasion de défier l'impossible. Plusieurs initiatives en faveur d'une libre circulation totale sont développées.
Utopie ? A voir le nom de l'association organisatrice du séminaire sur la «citoyenneté universelle» au Forum social mondial (FSM) – Utopi a–, on comprend que la démarche est assumée. Pour autant, les promoteurs de la libre circulation et de résidence des citoyens à travers le monde y croient dur comme fer, malgré l'érection de nouvelles barrières aux portes de l'Europe, des Etats-Unis ou d'autres régions de la planète. Plusieurs initiatives ont été présentées cette semaine à Dakar. La première n'est autre que la Charte mondiale des migrants, finalisée la semaine passée sur l'Ile de Gorée, au large de Dakar, qui fut le point de départ des esclaves africains vers l'Amérique. En gestation depuis 2006, ce texte instaure une liberté de circulation totale et garantit aux migrants les mêmes droits que les résidents du pays où ils s'installent. «Le gros du travail commence maintenant, reconnaît le Marseillais Jelloul Ben Hamida, son instigateur. Nous allons nous adresser aux partis politiques, aux syndicats, aux ONG, aux mouvements sociaux, et lancer une grande campagne de signatures auprès des migrants.» Si le pari de récolter des millions de paraphes à travers le monde est gagné, «notre initiative commencera à prendre du poids», estime-t-il.
L'Equateur pionnier
Partie prenante d'un processus similaire en Amérique latine, le Chilien Ricardo Jiménez ne voit pas comment échapper à la libre circulation des personnes, alors que «les critères légaux d'aujourd'hui, hérités des siècles passés, sont caducs. Le monde a grandi, s'est ouvert, la technologie, les communications permettent aux citoyens d'être interconnectés.» Pour lui, seules les inégalités font de la migration un «phénomène compulsif, problématique et forcé. Tôt ou tard, nous devrons parvenir à la citoyenneté universelle, c'est un chemin urgent, possible et nécessaire.»
Et la démarche fait son bout de chemin. En 2008, l'Equateur a été le premier pays à reconnaître cette «nécessité historique», poursuit le militant. «Les routes sont en train de s'ouvrir»: En termes de citoyenneté régionale, l'Amérique latine a par exemple fait des avancées significatives, comme en témoigne l'exemple brésilien (lire ci-dessous).
Un objet de «combat»
Avec le mouvement Utopia, cette dynamique s'accompagne d'une initiative concrète: le passeport de citoyenneté universelle. «Il s'agit d'un objet symbolique mais aussi de lutte et de combat», relève Franck Pupunat. Le document d'identité, qui établit la suppression des visas, serait délivré par les Etats signataires via leurs ambassades dans tous les pays du monde. Des discussions avancées ont lieu avec l'Equateur et des contacts encourageants avec la Guinée, assure-t-il. Utopia envisage une première émission du passeport en 2012.
Jean Rousseau, président d'Emmaüs International, n'a pas le même parcours militant que ces acolytes. Mais il arrive au même constat, à travers l'expérience du mouvement de solidarité fondé par l'abbé Pierre. «Depuis vingt ans, de plus en plus de migrants convergent vers nos centres. La migration est devenue l'une des causes majeures de la pauvreté. Tout en offrant des réponses locales, on s'est demandé comment lutter contre les causes de ce désastre.»
Ainsi, ses équipes ont rassemblé une année durant les témoignages de ces gens, réfugiés de guerre, exilés climatiques, migrants économiques... Le résultat a abouti au livre Visa pour le monde, qui «veut contribuer à détruire les préjugés et les peurs», explique-t-il.
«Mais qui va rester ici?»
Jean Rousseau n'est pourtant pas dupe. Avant d'aboutir à une forme de citoyenneté universelle, le chemin sera long. «On le voit avec la Convention internationale sur les droits des migrants, les Etats signataires sont ceux qui y trouvent un intérêt, alors que les pays riches ne la ratifient pas. Mais il est nécessaire de créer des rapports de force.»
Dans le petit amphithéâtre de l'université Cheikh Anta Diop, qui accueille l'atelier, beaucoup d'étudiants sénégalais sont présents. Au premier tour de questions, on comprend à quel point l'idée de citoyenneté universelle – tout utopique soit-elle – est synonyme d'espoir. «Le Sud a suffisamment galéré. Pour nous, aller en Occident signifie problèmes de visa, coups de matraque et clandestinité, note l'un d'eux. La libre circulation est un rêve, mais ensemble nous pouvons l'obtenir.»
Son voisin Oussmane nuance: «Comment serait le monde si tout le monde pouvait se déplacer? Regardez cette université (il pointe du doigt les murs et les plafonds délabrés, ndlr), qui va rester ici? Pas moi en tout cas. Avant d'ouvrir les frontières, je crois qu'il faut équilibrer le monde, faire en sorte que les Africains ne partent plus vers Europe. Car ils n'ont rien à perdre.» I
Alors que l'Occident ferme progressivement ses portes aux migrants, les pays émergents deviennent de nouveaux pôles d'attractivité. C'est le cas du Brésil, qui connaît depuis quelques années une forte augmentation des flux migratoires en provenance des pays alentour, au fur et à mesure que sa force économique s'installe. A 90%, il s'agit de Boliviens, puis de Péruviens et de Paraguayens, détaille Paulo Illes, du Centre d'appui aux migrants à Sao Paulo: «Plus récemment, avec le contexte restrictif en matière de visas pour les Etats-Unis ou l'Europe, on voit aussi arriver des Colombiens, des Equatoriens et des Africains.» En majorité d'origine andine, les arrivants ne parlent souvent ni espagnol ni portugais, avec de gros problèmes d'intégration à la clé. De même, beaucoup n'ont pas de papiers, ce qui constitue «la condition pour bénéficier de droits et du système public brésilien», poursuit-il. Résultat: de nombreux migrants sont réduits à la clandestinité et travaillent – jusqu'à seize heures par jour – dans de petits ateliers de confection insalubres.
Face à ce constat, le gouvernement a choisi la voie de l'ouverture, en signant des accords de libre circulation et de résidence avec l'Uruguay, l'Argentine, le Paraguay, le Chili et la Bolivie. «Toute personne arrivant de ces pays peut demander une carte de résidence et régulariser sa situation, relève Paulo Illes. En 2009, Brasilia a encore opéré une amnistie générale qui a bénéficié à cent quarante mille personnes d'autres pays.»
Moins de vingt ans après la fin de l'apartheid, l'Afrique du Sud est elle aussi devenue une terre d'accueil. Ce sont d'abord les conflits d'Afrique centrale, le génocide du Rwanda, les guerres du Congo qui y ont poussé les réfugiés. Puis, en 1995, des accords de libre circulation au sein de la Communauté de développement d'Afrique australe, provoquent un afflux massif de migrants, alors que «l'Afrique du Sud est le pays le plus riche de la région, considéré comme l'Europe de l'Afrique», souligne Charles Mutabazi, d'Aresta, une association d'aide aux réfugiés. Le pays signe aussi une série de textes et de conventions progressistes, qui donnent aux migrants les mêmes droits que les résidents, avec une réelle volonté politique de les intégrer. «Le système est très généreux, mais l'Etat n'a pas la capacité de répondre aux besoins de tous, en matière d'éducation, de soins, de sécurité sociale», poursuit-il. Alors que beaucoup de Sud-Africains vivent eux-mêmes en dessous du seuil de pauvreté, une concurrence s'installe ainsi qu'un climat de xénophobie. «Mais ce n'est pas l'échec d'une politique migratoire, mais celui de la lutte contre la pauvreté», conclut Charles Mutabazi.
Alors que le Forum social mondial (FSM) de Dakar s'est achevé hier, beaucoup de participants européens retiendront une organisation quelque peu chaotique, voire désastreuse par moments. Ce serait pourtant faire fi des réalités locales et des particularités du continent africain. Le comité d'organisation a dû affronter d'innombrables contraintes : manque de moyens, faible coopération des autorités, à quoi s'ajoutent les difficultés quotidiennes du Sénégal au cours des mois de préparation, comme les coupures d'électricité. L'embûche la plus flagrante restera le revirement du recteur de l'université Cheikh Anta Diop, qui n'a pas honoré la promesse de son prédécesseur de libérer les salles de cours pour accueillir les débats.
Dans ce contexte, la société civile mondiale, et particulièrement africaine, a fait preuve d'une impressionnante capacité d'improvisation. En peu de temps, des tentes ont été montées, des systèmes de sonorisation installés, des équipes de traducteurs mobilisées... Malgré ses imperfections, le FSM de Dakar débouche au final sur une grande réussite, tant sur le plan de la participation que sur celui de la qualité des débats. Dans un continent où la débrouille représente le quotidien de milliers de travailleurs et de citoyens, l'Afrique nous a donné une belle leçon.
Chaque Forum est différent, et son contenu s'imprègne des réalités locales. La question agricole – en particulier l'accaparement des terres –, la lutte des femmes et les migrations ont occupé une place prépondérante à Dakar, alors que l'élan des révoltes tunisienne et égyptienne portait l'ensemble. Là encore, sur des problématiques qui les touchent au premier plan, les participants africains se sont illustrés par une extraordinaire finesse d'analyse.
«Ecoutez-nous», clament aujourd'hui les Africains, après des décennies de recettes libérales destructrices imposées par l'Occident et de tutorat néocolonial. Avec, bien souvent, la complicité d'élites népotiques et corrompues. Plus que jamais, la société civile africaine a démontré que les solutions à ses problèmes se trouvent entre ses propres mains, faisant preuve d'une vision davantage pragmatique qu'idéologique sur la marche du monde.
En ce sens, le Forum de Dakar aura été très différent des éditions latino-américaines, portées par des mouvements sociaux extrêmement politisés, nourris des discours anticapitalistes et anti-impérialistes d'Hugo Chavez ou d'Evo Morales. A sa manière, la société civile africaine s'est réellement appropriée cette manifestation globale. Elle en sort largement renforcée.
MARIO TOGNI, DAKAR    

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