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lundi 10 janvier 2011

To be or not to be a terrorist


To be or not to be a terrorist

Le terme de terroriste s’applique de manière de plus en plus générale. Le président tunisien Ben Ali qualifie ainsi les jeunes manifestants de son pays de terroristes – ses propres enfants !

- Or s’il faut en croire les annales de ce pays, les troubles qui l’agite plongent des racines dans des maux anciens, exposées et dénoncées depuis plus de vingt ans par les associations défendant les droits de l’homme et l’équité sociale. En 1981, j’étais en Algérie et je me souviens avec acuité d’une discussion très libre avec deux jeunes algériens (aujourd’hui des hommes mûrs) dénonçant déjà la préemption démocratique par le FLN. Dans la discussion était venu le nom des Frères musulmans, ancêtres d’Al Qaïda et autres groupes salafistes.

- Depuis, rien des problèmes affectant le Maghreb et le Mashrek, et au delà le monde musulman, n’a reçu la moindre réponse. Bien au contraire se sont prolongées les logiques colonialistes, puis post-coloniales sur la lancée et l’inertie de des intérêts installés, au nombre desquels ceux nombreux et puissants de la France Afrique.

- Si l’on prend un peu de recul, le spectacle est d’une horreur malsaine : un monde musulman jeune mené par des « élites » n’ayant pas su évoluer, un monde sous la coupe de dynasties éculées (l’Arabie des Saoud par exemple), ou des coteries nées de la lutte d’émancipation mais désormais vieillissante et arque-boutées sur leurs prééminence (l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte…) , comme le furent naguère les apparatchiks soviétiques

- Or ce raidissement sénile n’est pas sans écho dans les démocraties moribondes d’Occident, dont la nôtre. D’où des raidissements identiquement morbides. D’où l’écho qu’y trouve le terme de terroriste, dont on n’oubliera pas qu’il s’appliquait hier également, entre autres, aux résistants du Vercors.

- Il est extraordinaire que dans la prétendue démocratie médiatique au sein de laquelle nous vivons, nul journaliste, nul média, ne nous parlent des motivations animant ces « terroristes ». Aucun d’eux n’y trouve le moindre écho. A écouter ces média innocents comme le sourd, les terroristes sont des méchants, des vilains, des cruels, exécutant leurs otages par pure méchanceté, par cruauté gratuite.

- Je me souviens également, lors d’un séjour en Afrique, aux environs de Niamey, alors que je n’avais guère plus de vingt ans, d’une discussion où nous nous défendîmes en ces termes, face à les Nigériens nous reprochant d’avoir la couleur blanche de notre peau : « Les griefs que tu me reproches, je les reconnais. Mais qu’y puis-je ? En quoi en suis-je responsable ? Je n’étais pas né. » Les otages récemment tués avaient à peu près mon âge à l’époque de cette discussion. Le malheur a voulu que le sort tombât sur eux.

- Pourtant je ne suis pas sûr d’être aujourd’hui d’accord avec mes propre propos tant il est facile d’être sourd et aveugle. Pas sûr que mes interlocuteurs d’alors n’aient pas eu quelques raisons de me reprocher d’être moi, d’avoir une voiture que j’allais vendre, en toute innocence, sur leur territoire, sans payer de droits, au mépris de leurs lois, que j’ignorais.

Et pourtant, même sans le savoir, je me rendais coupable, à ce petit niveau, de la corruption économique et politique destructrice de leur pays. J’étais innocent, mais ni moins, ni plus qu’eux.

- A Niamey, nombre des expatriés sont là pour exploiter l’uranium. Et avec lui, ils se rendent complices d’une entreprise d’exploitation du Niger tout entier, de son maintien dans des structures politiques archaïques, où quelques politiciens affairistes et des milieux locaux qui les soutiennent, avec l’assentiment de la fraction France-africaine qui en profite ici et mettent en coupe réglé le pays, générant des souffrances sans nombre, tuant l’avenir de la jeunesse nigérienne et au delà de toute celle du Magrheb, du Mashrek.

- Les expatriés français au Niger ont quelques excuses à ne pas comprendre – malgré des salaires importants – où ils ont mis les pieds. Qui leur a dit en effet que l’opposition nationale à l’exploitation de l’uranium date de plus de vingt ans ? Ou font-ils semblant – le salaire étant bon – de ne pas le comprendre ?

- On aurait donc d’un côté de bon français innocents, simples travailleurs expatriés, et des terroristes malsains et vicieux. Mais ces vicieux, ces terroristes, n’ont-ils pas des enfants – mourant chaque jour de l’intoxication par les poussières d’uranium ? N’auraient-ils pas des parents, s’éreintant à la tâche pour extraire un minerai dont l’essentiel des profits revient à des multinationales lointaines. Multinationales dont au surplus la légitimité n’a jamais été démocratiquement examinée, ni les périls extrêmes qu’elles font courir aux peuples, voire à l’espèce en son entier, discutés ?

- Ces terroristes sont-ils donc l’émanation directe de Satan ? Sont-ils l’essence du mal ? Ou bien ont-ils quelques motifs, des enfants, des femmes, des amis, des parents ? Font-ils tout cela pour nous nuire seulement, par amour gratuit du mal ? Il est clair qu’une réponse affirmative place d’emblée le criminel et l’accusateur dans le même sac. Si je ne reconnais pas à l’autre son humanité, alors du fait je me disqualifie comme humain. Jacques Chirac, nonobstant ses crimes impardonnables contre la démocratie, en refusant d’engager le Peuple français dans la guerre contre l’Irak, a su préserver l’humanité et le dialogue entre les rives de la Méditerranée et le reste de l’Islam.

- Tout au contraire nous fabriquons des terroristes en refusant de comprendre – d’entendre – leurs motifs profonds. Nous nions les forces médianes, modérées et les rejetons, les jetons, dans le désespoir et l’extrémisme. Ce faisant nous construisons la guerre. Et sans doute elle frappera bientôt sur notre propre territoire, ou ailleurs où sont d’autres communautés nationales.

- Si l’on écoute l’histoire avec des oreilles anciennes, instruites des leçons de Braudel, du professeur Etienne, de celles de Simon Leys, on est alors frappé d’une chose : ce qui se déroule sous nos yeux est une répétition. L’assassinat de nos deux pauvres amis est le simple épisode d’une confrontation dont il faut reconnaître l’ampleur et le profond drame qui en forme la trame.

- Oui, il peut s’agir d’une guerre de civilisation. Mais pour ceux seulement qui par raideur et aveuglement s’arque-bouteraient sur leurs indéfectibles certitudes, celles là mêmes par lesquelles nous avons apporté les civilisations aux « sauvages » africains ou décimé l’Amérique post-colombienne. Pour ceux là seulement qui considéreraient que nous avons le monopole de la bonté, quant en face on n’agirait que par cruauté, par amour du terrorisme.

- Mais pour les autres, le parallélisme est frappant entre les communistes chinois à leurs débuts, quand pauvres, faibles et débiles, ils se heurtaient à toutes les puissances coloniales dépeçant leurs pays – France, Italie, Allemagne, Grande Bretagne, Etats unis – puissances soutenues par leur opinons publiques mal informées, ou plutôt déformées, et les « fondamentalistes terroristes » du monde musulman d’aujourd’hui. Avec les résultats que l’on connaît.

- Les historiens reconnaissent aujourd’hui que les communistes chinois durent leur succès au fait qu’ils furent les seuls nationalistes, quand Tchang Kaï-chek, soutenu par les puissances occidentales n’en était qu’une marionnette. Au delà des conceptions idéologiques, c’est cela qu’a reconnu en eux le peuple chinois : les communistes lui rendait sa dignité. C’est cela qui est à l’œuvre aujourd’hui au sein du monde musulman. Mais c’est nous, comme hier, qui faisons leurs dirigeants, parce que par ignorance, par désinformation intéressés nous les craignions le plus.

- Qui nous dit ce qu’ont sur le cœur les extrémistes ?

En ne l’entendant pas, nous devenons, en miroir, des extrémistes aussi.

Qui y a intérêt ?

Stéphane Calence

26340 Saillans


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