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jeudi 20 janvier 2011

On ne nous dit pas tout...

SERVIER et AFSSAPS : la partie émergée de l'iceberg
Ce que les Français viennent de découvrir avec le Médiator n’est qu’une partie émergée d’un iceberg que représente le système actuel de délivrance des autorisations de mise sur le marché qu’il s’agisse des médicaments ou des produits à usage de consommation, OGM et nanotechnologies par exemple.

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Les dysfonctionnements gravissimes observés au sein de l'AFSSAPS se retrouvent au sein d'autres organismes nationaux comme malheureusement au sein de l'EFSA, l'agence communautaire de sécurité alimentaire et sanitaire, à laquelle je demande depuis des mois une refonte du mode de fonctionnement.
A l'origine était le conflit d'intérêt ou plutôt le trafic d'influence.
Il est temps d'arrêter de parler de conflits d'intérêts comme s'il s'agissait de la possibilité rarissime et inenvisageable pour certains membres de commissions d'experts de peser sur la décision finale, ce qui pourrait constituer effectivement un trafic d'influence.
La réalité est tout le contraire.
C'est parce que le trafic d'influence est programmé, parce que certains lobbies industriels ont un poids suffisant pour imposer leurs représentants au sein des comités d'experts, soit explicitement, soit implicitement, par des relations de connivences entretenues de longue durée entre responsables politiques et grands lobbies que le conflit d'intérêt apparaît.
C'est donc le système lui-même qui est gangréné, et il ne l'est malheureusement pas seulement à l'AFFAPS.
Au niveau communautaire, les critiques véhémentes formulées à l'encontre de l'EFSA, en particulier en ce qui concerne son panel OGM, participent également de la même logique. Lorsque le responsable du panel OGM de l'EFSA réalise des études pour les fabricants d'Organismes Génétiquement Modifiés, que la responsable administrative du panel OGM quitte en 2009 l'EFSA pour rejoindre immédiatement SYNGENTA, lorsque la Présidente du Conseil d'Administration de l'EFSA a dissimulé le fait que qu'elle présidait le plus gros organisme de lobbying agro-alimentaire, il est tout à fait clair que c'est le système lui-même qui est en cause, et non des cas isolés.
Et, malheureusement, les médicaments ne sont pas seuls en cause.
Certes, on peut comprendre que la pression pour obtenir l'Autorisation de Mise sur le Marché des médicaments est soit d'autant plus considérable que, lorsque le médicament est remboursé, c'est la collectivité publique qui paye.
Mais, dans le domaine de l'agro-alimentaire comme dans celui des pesticides, la situation est exactement la même.
Il suffit de regarder par le passé les débats autour du sel, autour du sucre, ou l'impossibilité dans laquelle nous nous sommes trouvés d'obtenir l'interdiction de la publicité sur certains produits à destination des enfants.
Si les Organismes Génétiquement Modifiés ne sont pratiquement cultivés en Europe ils sont dans nos assiettes par l'exportation et un contrôle très insuffisant, y compris d'OGM non autorisés à la commercialisation en Europe.
Et que dire des dépassements de taux de pesticides dans les produits alimentaires ?
Comme le relève à juste titre et fort honnêtement le rapport de l'IGAS, dans tous ces domaines, des organismes chargés de faire prévaloir la santé publique ne l'ont pas fait. A juste titre, l'IGAS propose de "limiter les prises de position publiques dénonçant une hypothétique "tyrannie du principe de précaution" alors que dans cette affaire, ce n'est pas l'excès de principe de précaution qui est en cause, mais le manque de principe de précaution et une certaine "accoutumance au risque" bien éloignée des considérations élémentaires de santé publique". Elle propose également "de renverser le fonctionnement de la chaîne du médicament pour que le doute bénéficie aux patients et à la santé publique plutôt qu'aux firmes comme c'est actuellement le cas".
Il est évident que plus on parle du principe de précaution, moins on l'applique, et la France dans ce domaine devient une championne toutes catégories de l'hypocrisie.
Et pourtant les solutions existent.
Dans un rapport enfoui au fond d'un tiroir que Corinne Lepage remet un premier rapport à Borloo sur la gouvernance écologiqueLe ministre de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables Jean-Louis Borloo a confié en novembre dernier à Corinne Lepage, présidente de Cap 21, une mission sur la gouvernance écologique dans la perspective de la présidence français...Lire la newsj'avais remis à Jean Louis Borloo sur la gouvernance écologique en janvier 2008, NoteTélécharger le rapport de Corinne Lepage sur la gouvernance écologique.Plus d'infosje formulais toute une série de propositions, précisément pour aboutir à la protection des lanceurs d'alerte, une expertise indépendante et contradictoire et une interdiction de principe des conflits d'intérêts.
La Une loi pour protéger les lanceurs d'alerte plus que jamais nécessaireÀ l'occasion d'un procès en diffamation contre un lanceur d'alerte, la Fondation Sciences Citoyennes réaffirme la nécessité d'une loi protégeant scientifiques et citoyens de représailles, conformément aux engagements du Grenelle de l'Environnement...Lire la newsprotection des lanceurs d'alerte est un impératif, et l'exemple d'Irène Frachon illustre parfaitement la difficulté dans laquelle se trouve ceux qui, ayant pris conscience d'une information essentielle pour la santé publique et l'intérêt général, cherchent à la faire connaître.
Avant elle, André Cicollela, Pierre Menneton, Gilles Eric Séralini, Etienne Cendrier et bien d'autres se sont heurtés à la même difficulté.
En second lieu, une expertise indépendante et contradictoire impose de transformer les modes d'expertise.
Il s'agit en réalité de s'inspirer de l'expertise judiciaire pour que toute demande d'autorisation soit instruite à charge et à décharge, les opinions minoritaires étant obligatoirement rendues publiques en même temps que l'avis.
Les experts qui rendent l'avis doivent être impérativement dégagés de tout lien direct ou indirect avec les lobbies mais, en revanche, les experts qui s'expriment devant eux pour défendre ou au contraire refuser un produit peuvent venir du monde industriel comme du monde des ONG.
Des études financées par les fonds publics devraient être la règle. J'avais proposé, il y a déjà plusieurs mois, lors de la réforme du système européen de pharmacovigilance, que ce système soit majoritairement assurée par un financement public. Cet amendement a été torpillé par les soutiens parlementaires habituels de lobbys pharmaceutiques.
Une véritable déontologie de l'expertise confiée à une autorité administrative indépendante, comptant des représentants du monde des patients, des consommateurs, des ONG devrait y occuper une place importante. J'ajoute qu'il convient également de se pencher sur le financement des organisations de patients, pour l'instant largement financées par l'industrie pharmaceutique.
Dans la même direction, une obligation d'informer devrait être créée à la charge de toute personne scientifique ou non ayant à sa connaissance une information susceptible d'avoir une incidence négative sur la santé, l'environnement ou l'intérêt général.
Cette obligation d'informer devrait être sanctionnée pénalement lorsqu'elle n'est pas remplie, à charge pour la loi de déterminer les conditions permettant d'éviter l'intention de nuire et la distorsion de concurrence.
En définitive, tout ceci n'est qu'une question de volonté politique.
Les liens incestueux qu'entretiennent un certain nombre de responsables politiques en activité ou hors activité avec des grands lobbies doivent également faire l'objet du débat. Je puis juger, au Parlement Européen, la manière dont certains députés défendent systématiquement, en les reprenant à la virgule, les amendements déposés par certains lobbies à la Commission Santé Environnement que je vice préside y compris en matière de pharmacovigilance.
Puisque l'époque est à s'indigner, l'indignation est évidente mais encore faut-il la transformer en action.
Manifestement, le moment est venu.
Corinne LEPAGE
Avocate, ancien Ministre de l'Environnement, Présidente de Cap21.
Corinne Lepage est intervenue à Die aux Rencontres de l’ Ecologie. 
(Merci pour son envoi)

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