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mercredi 24 novembre 2010

Indigné... et Stéphane Hessel


Nous avons rencontré trois fois Stéphane Hessel….et avons enregistré son intervention de Lyon à Dialogues en Humanité avec « Radio Pluriel ».

Frère des hommes et « Sisyphe heureux »

C’est un homme qui a choisi très jeune de défendre l’Humanité contre ses démons. Et qui n’a jamais cessé son combat.

S’engager, encore et toujours. Ouvrir les portes de l’avenir. Ne jamais renoncer, ne jamais rester sur un échec. Et même la mort, la regarder comme une amie. Comme une porte qui pourrait s’entrouvrir sur une autre dimension. Puisque l’espérance est violente, comme le disait Apollinaire. Puisque le courage est l’autre nom de la poésie. Puisque l’amour et la beauté n’ont pas été vaincus par les nazis. Puisqu’il y a Chagall, et Picasso, et Duchamp, qui prouvent qu’il est possible de vivre autrement.

À 92 ans, chargé de souvenirs, Stéphane Hessel nous enchante et nous réconforte. On ne peut l’écouter sans sourire. Ses combats sont les nôtres, ses rêves nous ressemblent. « Je crois avoir réussi à épater ma mère, j’ai passé mon bac à 15 ans », dit-il avec humour. Au passage, discrètement, nous sommes mis dans la confidence : l’aventure de ses parents, juifs berlinois non conformistes, fut le modèle de « Jules et Jim », le roman de Henri-Pierre Roché porté à l’écran par François Truffaut. De son enfance, nous ne saurons rien de plus, sinon qu’il est arrivé en France à l’âge de 7 ans, soit vers 1925, et que son goût de l’engagement date de cette époque. Avec la même pudeur, il évoque les épreuves fondatrices, son engagement dans la Résistance, son arrestation, sa déportation à Buchenwald - et sa libération miraculeuse grâce à cet allemand au grand cœur Eugen Kogon, qui lui a donné l’identité d’un prisonnier qui venait de mourir du typhus. « J’ai été libéré sous le nom de Michel Boitel, le pauvre est mort à 22 ans, j’en avais 27. Mon nom figure parmi les morts dans les archives de Buchenwald ». Le fils d’Eugen Kogon vient justement de traduire en allemand le dernier livre de Stéphane Hessel, « Oh ma mémoire » (Seuil, 2010).

À propos de son engagement au sein des Nations unies, Stéphane Hessel donne libre cours à son lyrisme naturel. « J’ai 30 ans, me voici à New York. Je m’engage dans ce nouveau combat. je participe à la rédaction de la Déclaration des Droits de l’Homme. Elle est adoptée sans un seul vote contraire ! C’est un texte ambitieux, infiniment précieux, auquel on a pu ajouter l’adjectif "u-ni-ver-sel". C’est unique dans l’histoire des relations entre États. Pour la première fois, il est dit qu’il existe des valeurs qui s’appliquent à tous les États et à tous les humains ».

En 1977, ambassadeur à l’ONU, il veut être de ceux qui apporteront une réponse efficace au problème du sous-développement. Il rédige un premier rapport sur la question, mais « Giscard n’en veut pas ». Un deuxième rapport commandé par Rocard, est mis au placard par Mitterrand. Un troisième rapport, remis à Lionel Jospin, sera lui aussi oublié. « Vais-je renoncer ? Je ne peux pas . Ce problème me préoccupe toujours. Je suis membre du Collegium international éthique, scientifique et politique, qui s’efforce de faire face à ce défi de la pauvreté dans le monde ».

Pour ce qui concerne le Proche-Orient, comme son ami Jean Daniel, Stéphane Hessel est de ces juifs qui considèrent la guerre des Six Jours comme un césure tragique. « Jusque-là, je donnais tort aux Arabes, ils n’auraient pas dû attaquer les Israéliens en 1948. Après 1967, j’ai constaté que les Israéliens laissaient passer toutes les occasions de changer d’attitude à l’égard de leur voisin. Nous sommes nombreux à penser qu’Israël va droit dans le mur... »

On le voit, Stéphane Hessel est l’un de ces étrangers qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes à leur pays d’adoption. Il ne laissera personne oublier que l’identité française est « le résultat d’une quantité de mouvements migratoires, gaulois, romains, francs, celtes, italiens, portugais, maghrébins, africains »... Il s’indigne, il demande ce que font Sarkozy, Hortefeux et Besson. « Tous ces peuples ont créé puis ont enrichis cette fameuse identité nationale dont on nous rebat les oreilles. Le problème de l’immigration me préoccupe depuis plus de vingt ans, je m’inquiète pour les malheureux immigrés que l’on prive de leurs papiers, que l’on refuse de régulariser, et que l’on essaie d’expulser. Je travaille avec France Terre d’Asile, avec la FIDH... »

Dans notre pays malade du jeunisme, il existe donc encore des anciens qui ont des choses à nous dire, des sages qui aident à vivre. Au terme d’une vie éclairée, malgré les épreuves et les démentis, les inerties et indifférences, Stéphane Hessel continue à vouloir la justice et la liberté pour tous. « Je ne suis pas un idéaliste vaseux », dit-il à Régis Debray, qui lui répond en riant : « Mais vous êtes un optimiste actif. »

Tel est le « Sisyphe heureux » dont Sophie Lechevalier et Thierry Neuville nous offrent un portrait sensible et de nature à faire naître des vocations. Un homme élégant à tous les sens du terme, frère de Nelson Mandela et du Dalaï Lama, ami de Michel Rocard et d’Edgar Morin. Un homme pour qui le passage du temps n’est pas un naufrage mais une occasion de poursuivre ses objectifs : défendre l’humanité contre ses démons.

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