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dimanche 17 octobre 2010

Ne rien lâcher...


Réflexions sur le mouvement social actuel

1) Première phase de mobilisation jusqu’au 2 octobre

Le mouvement mené contre le projet de retraites du gouvernement mérite une analyse plus fine que celle délivrée par les médias à la mode, voire par le discours des organisations politiques et syndicales. Il apparaît d’abord clair que le rejet de ce projet est massif dans le peuple. La mobilisation se maintient à un haut niveau durant les trois rassemblements du 7 et 23 septembre et du 2 octobre à près de 3 millions de manifestants à chaque fois dans le pays. On peut estimer que 4 à 5 millions de personnes ont manifesté au moins une fois pendant cette période grâce à la mobilisation du samedi. Depuis la question du « que faire ? » a surplombé les débats.

Plusieurs enseignements peuvent être tirés:

-La mobilisation populaire sous la conduite de l’intersyndicale unie s’est maintenu à un haut niveau éliminant les oracles défaitistes de ceux qui pensaient que le mouvement allait s’essouffler de lui-même.

-L’intersyndicale par son unité a remonté son image de marque contrairement aux images de marque de l’ensemble des partis de gauche et d’extrême gauche. Ce point est encore peu pris en compte notamment par les militants politiques de ces organisations qui pensent à tort qu’ils vont bénéficier mécaniquement de cette montée de l’image de marque syndicale.

-Beaucoup de militants se sont trompés dans l’analyse de la CFDT estimant que celle-ci allait jouer le même jeu de « trahison » qu’en 2003. Cette erreur d’appréciation est due au fait que pour beaucoup de militants, une analyse est vraie ad vitam sans tenir compte de la modification du réel. Mais aujourd’hui, le monde bouge plus vite qu’hier et il faut que les militants apprennent à partir de l’analyse concrète de la situation concrète pour l’apprécier. En fait, la stratégie de Chirac-Raffarin n’est pas la même que celle de Sarkozy- Fillon-Woerth. Dans ce dernier cas, leur ligne politico-stratégique est de passer en force grâce à leur majorité électorale sans négociation avec le mouvement syndical alors que dans le premier cas, le passage devant le Parlement suivait une négociation entre partenaires sociaux. Dans la situation actuelle, le « syndicalisme d’accompagnement » n’a plus de sens, et est obligé de rejoindre le « syndicalisme de revendication » avant que le « syndicalisme de contestation » rejoigne par intérêt bien compris cette nouvelle alliance. Que les « syndicats d’accompagnement » souhaitent de nouveau être en contact avec un gouvernement « ancienne manière » suite à l’élection de 2012, cela ne fait aucun doute. Mais pour l’instant, l’intersyndicale tient bon !
- les discours contre l’intersyndicale venant d’une partie de la gauche radicale, syndicale ou politique, pourtant très prolixe sur le net, ne prennent pas dans le peuple. Ces militants n ’ont pas été capables de pousser à la radicalisation du mouvement comme en 1936 ou en 1968. Les mots d’ordre de ces militants sur le mot d’ordre de « retrait du projet », de la grève reconductible ou de la grève interprofessionnelle n’ont pas eu, dans cette période, d’écho suffisant dans le peuple. En fait, les militants syndicalo-politiques de la radicalité sont aujourd’hui plus coupés du peuple qu’hier sans doute en partie à cause de la nouvelle géosociologie des territoires et donc de la distribution territoriale inégalitaire des militants politiques à l’échelle du pays. Et ils feignent de croire que si l’intersyndicale avait repris leur mot d’ordre, nous aurions déjà eu la grève reconductible devenant générale. Cela relevait, à cette période, du romantisme idéaliste.

-par rapport aux conflits antérieurs, la mobilisation de la fonction publique et des ex-entreprises à « régimes spéciaux » est moindre malgré la présence importante des militants de la radicalité dont nous venons de parler dans le point précédent. Beaucoup de militants n’ont pas pris la mesure de ce phénomène. Par contre, la mobilisation du secteur privé est plus importante et cela pose un problème non négligeable aux organisations syndicales car elles sont implantés dans des secteurs se mobilisant un peu moins et peu implantés dans les secteurs se mobilisant un peu plus.

-Devant la politique brutale de l’Élysée et l’incapacité de l’ensemble des partis de la gauche politique de proposer une alternative autre que celle de dire seulement « non à Sarkozy », l’intersyndicale est non seulement dans son rôle syndical mais joue également le rôle du seul opposant politique au gouvernement. C’est un fait nouveau qui mériterait d’être analysé par les militants.

Et pourtant, il apparaît pour beaucoup que le niveau de mobilisation de cette période, bien qu’élevé ne paraissait pas de nature à faire « plier » le « comité central du néolibéralisme » qu’est le gouvernement actuel associé au MEDEF. Sans doute d’autres phénomènes ont joué contre le développement de la mobilisation au- delà du niveau atteint dans cette période :

-l’illusion qu’une possible victoire du PS et de ses alliés en 2012, obtenue par défaut (due au seul rejet de Nicolas Sarkozy et de sa politique et non due à une imprégnation du peuple autour d’un projet alternatif crédible) suffirait à régler les problèmes, pèse sur certains.

-le fatalisme et la résignation touchent quelques secteurs du peuple bien que ceux-ci soutiennent le mouvement quand ils sont enquêtés. Car dans les enquêtes d’opinion la grande majorité du peuple soutient le mouvement dans une proportion de 61 à 70 % de la population totale, ce qui est exceptionnel.

-le fait que la plupart des organisations politiques, syndicales, mutualistes et associatives qui contestent la réforme gouvernementale n’arrivent pas à tenir un discours alternatif à celui des « réformateurs » et pour beaucoup d’entre elles utilisent le même référentiel ou paradigme que les « réformateurs ». Par exemple, celles qui continuent à employer les dogmes du problème démographique qui n’existe pas, de l’intangibilité de l’actuelle répartition des richesses, de la nécessaire contributivité du processus de retraite, etc. Mais même dans les organisations dites « radicales », on trouve ceux qui ne font pas de différence entre les différents types de retraites par répartition. Par exemple, on trouve des thuriféraires du salaire différé à prestations définies, que l’histoire récente montre que l’on transforme très vite en revenu différé à cotisations définies (pour in fine faire le lit de la capitalisation) qui lui, ne remet pas en cause les institutions du capital que sont la logique de l’emploi, du marché du travail et de la propriété lucrative. Ces organisations n’ont toujours pas compris qu’il n’y a pas que le montant monétaire qui importe mais que les statuts sociaux sont liés aussi à la nature des ressources monétaires qu’il s’agisse de la rente, du profit ou du salaire. Alors que le système de salaire et de retraite liés à la qualification est le seul système qui permet de développer des institutions salariales (basées sur une refondation de la Sécurité sociale et d’une une sécurité sociale professionnelle dégagée de la subordination de la valeur travail comme rapport social) antagoniques aux institutions du capital que sont la logique de l’emploi, du marché du travail et de la propriété lucrative. Ce qui est en jeu dans cette lutte, est de savoir qui se renforcera, des institutions du capital ou des institutions du salariat ?

-le retard du mouvement social quant au développement de l’éducation populaire tourné vers l’action. Trop souvent, on confond éducation populaire avec une simple information ou une réunion sans suite ou avec un document adressé par le net. L’enjeu de la période est de savoir si les organisations d’éducation populaire tournées vers l’action sont aujourd’hui en mesure de répondre aux besoins du mouvement social (cycles longs d’université populaire sur la globalisation des combats, formation des formateurs « vulgarisants », etc.) pour œuvrer à ce que les institutions salariales prennent le dessus sur les institutions du capital.

2) Deuxième période du 12 au 16 octobre

-De multiples évènements connexes ont montré le mépris du pouvoir pour les salariés et les citoyens. On en donnera deux mais il y en aurait bien d’autres. La suppression de l’indépendance des médecins du travail et le transfert des missions de ceux-ci aux employeurs. On croît rêver ! Les infirmières anesthésistes demandent que l’on tiennent compte de leurs 5 années d’étude dans leur statut, Roselyne Bachelot leur envoie les CRS !

-Petit à petit, la volonté d’amplifier le mouvement prend corps. L’idée de la grève reconductible fait son chemin dans le peuple. Les premières AG vont dans ce sens. Bernard Thibault organise une réunion avec ses fédérations et UD le 5 octobre. A la suite de cette rencontre, il adresse le 6 octobre une lettre aux militants de la CGT. Les AG se multiplient. Les UD CGT lancent des rassemblements départementaux le 13 octobre, donc dès le lendemain de la grande manifestation du 12. Le peuple est en train de répondre à la provocation du « comité central du néolibéralisme » organisé autour de Nicolas Sarkozy.

-La journée de grèves et de manifestations du 12 octobre se prépare donc dans un nouvel état d’esprit différent de la première période. Dans cette période, l’idée de la grève reconductible est proposée par de nombreux responsables syndicaux. Des actions d’éducation populaire tournées vers l’action accompagnent ce combat. L’esprit du slogan « El pueblo unido, jamas sera vencido » (le peuple uni, jamais ne sera vaincu) est dans toute les têtes car c’est bien l’unité syndicale qui permet ce nouvel espoir.

-La journée du 12 octobre est la plus grande journée de mobilisations sur les retraites. Elle est due principalement à une montée de la mobilisation dans le privé et par l’arrivée de 150.000 jeunes dans les cortèges. La CGT annonce 3 millions et demi de manifestants. Le Syndicat général de la police-Unité Police dénonce la manipulation des chiffres des préfets notamment à Marseille. A Paris, la manifestation a été sur les grands boulevards sud de la capitale et elle a été dédoublée. Tous les spécialistes de la préfecture (sauf le préfet de police qui annonce un chiffre fantaisiste qui n’est pas celui donné par ses services !) savent que l’on fait cela qu’à partir de 300.000 manifestants. Sinon, on ne dédouble pas.

-Les « reconductibles » des journées qui suivent vont tenter d’amplifier le mouvement avant les manifestations du samedi 16 et du mardi 19 octobre qui verront, sans doute, une nouvelle poussée de mobilisation du privé et des jeunes. Nous verrons alors si ces « reconductibles » mènent ou non à la grève générale.

Le gouvernement montre qu’il ne tient pas compte de la mobilisation grandissante malgré le fait que 70 % du peuple soutient la mobilisation. En fait, ce gouvernement qui mène une lutte de classes implacable et terrifiante, dit en creux que si le peuple ne veut pas de cette « réforme des retraites », il n’a qu’à bloquer le pays. Curieuse façon de gouverner. Le mouvement social saura s’en souvenir !

Bernard Teper
Responsable du secteur Éducation populaire

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