Information Participative

Médias Citoyens Diois continu !

Retrouvez-nous sur notre nouveau site :

http://mediascitoyens-diois.info

mercredi 27 octobre 2010

Nagoya : Marchandiser la nature...


Business & destruction

Le Muséum d'histoire naturelle est un lieu cher à tout écologiste : c'est de cette mémoire vivante de la biosphère qu'ont été lancés, en France, maints cris d'alarme sur l'environnement, à commencer par le livre pionnier de Jean Dorst (Avant que nature meure, Delachaux et Niestlé, 1965). Près de quarante ans plus tard, alors que l'érosion de la biodiversité se poursuit à un rythme effrayant, le Muséum accueille, le 19 octobre, un symposium international "Business & biodiversity". Total, EDF, Lafarge, BASF, Areva, Veolia et autres compagnies sponsorisent l'événement dont le message subliminal est : "Laissez les entreprises s'en occuper".

Au même moment s'est ouverte à Nagoya, au Japon, la conférence des Nations unies sur la biodiversité, dont le principal point de friction est le partage des bénéfices tirés des richesses naturelles. Alors que le désastre s'étend, les hommes continuent à se disputer. On songe au tableau de Goya - évoqué par Michel Serres dans Le Contrat naturel - où deux hommes se battent à coups de gourdin dans des sables mouvants qui les aspirent vers le néant.

C'est du système financier que viendrait maintenant "la solution" : il faudrait donner un prix à la nature pour qu'on la respecte. L'idée a été lancée voici vingt ans par l'économiste David Pearce (Blueprint for a Green Economy, 1989). Elle a cheminé et a trouvé une consécration officielle dans le rapport de Pavan Sukhdev, un banquier indien travaillant pour la Deutsche Bank et qui a fait une partie de sa carrière sur le marché boursier de Bombay. Il exprime le nouveau dogme : "Les ressources naturelles forment un capital qui offre tout le potentiel d'un bon investissement."

Cette approche, en vedette à Nagoya, est censée inciter les gouvernements et les agents économiques à comparer le coût d'un investissement à celui des "services" qu'il fait perdre. Elle prépare la généralisation de systèmes de compensation où une destruction, ici, serait balancée par une restauration ailleurs. Mais il n'y a là que l'aveu de l'impuissance du pouvoir politique - normalement porteur de l'intérêt général - face au pouvoir financier. Seul le calcul économique serait légitime pour décider des choix collectifs. Et l'on fournit, en réalité, un alibi au maintien du système : la compensation est un permis de détruire.

En fait, la résistance citoyenne est le meilleur moyen d'empêcher la destruction de l'environnement. En Aquitaine, l'autoroute Pau-Langon se construit faute d'opposition assez forte. En Inde, le projet minier Vedanta est rejeté grâce à la lutte des paysans et des indigènes. La destruction de la nature n'est pas un problème économique, mais politique.

Hervé Kempf

Courriel : kempf@lemonde.fr.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire