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mardi 28 septembre 2010

La presse entre servilité et liberté


La République des Apparences

Il y a décidément quelque chose de schizophrène dans la République française. Après la Justice, voilà que le pouvoir met à mal un autre pilier de notre démocratie, à savoir la presse. Entendons-nous bien : il ne s’agit pas ici de consacrer le journaliste en tant que super-citoyen paré de toutes les vertus, de tous les pouvoirs et de toutes les qualités. Des manquements à la déontologie dans notre métier existent, à Paris comme à Lyon ou à Die, où les conflits d’intérêts sont légion et nous ne sommes pas les derniers à en informer nos lecteurs.

Mais ce qui se joue aujourd’hui est grave

Ainsi, l’ordre donné par l’Elysée aux services du contre-espionnage d’identifier la source des « fuites » à la suite des informations publiées le 18 juillet par Le Monde sur la déposition de Patrice de Maistre : la loi du 4 janvier 2010 sur la protection du secret des sources des journalistes, ardemment voulue par Nicolas Sarkozy avec force publicité, est pourtant claire.

Elle dit : « Est considéré comme une atteinte indirecte au secret des sources le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations. »
- Elle dit aussi : « Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. »
- Cette loi n’est rien d’autre que la transcription en droit français de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Une exception : elle ne s’applique pas « si un impératif prépondérant d’intérêts publics le justifie » . Mais en l’espèce, l’intérêt public commande que toute la vérité soit dévoilée sur ce triste feuilleton qui n’a que trop duré ! Les Français attendent qu’un juge d’instruction soit saisi de « l’affaire Woerth-Bettencourt »; au lieu de cela, nous assistons, écoeurés et impuissants, aux atermoiements du parquet qui dépend, faut-il le rappeler, du ministre de la Justice et d’un pouvoir suprême qui ordonne, via la DCRI, d’enquêter hors procédure judiciaire. Ce n’est certes pas nouveau, François Mitterrand nous avait habitués aux écoutes sauvages et aux cabinets noirs (Edwy Plenel en sait quelque chose). Mais où est donc cette fameuse « rupture » tant promise ? Trente ans après, rien n’a vraiment changé, même si les lois se succèdent à un rythme effréné. Un problème ? Une loi ! Lois d’apparence pour le bon peuple ?

Le secret de l’enquête

Il est bon de rappeler à nos lecteurs qu’un journaliste n’est pas astreint au secret de l’enquête, à la différence du magistrat, du gendarme ou du policier. S’il estime nécessaire de publier des pièces et autres procès-verbaux d’audition pour étayer son article, rien ni personne ne sauraient l’en empêcher. De même qu’il a le droit d’opposer le silence sur ses sources, s’il est interrogé dans une enquête judiciaire. A Lyon Capitale, nous le savons que trop : depuis que nous enquêtons sur des affaires dites « sensibles », nous nous sommes fait un devoir de protéger nos sources. L’agitation, les intimidations, les insinuations nauséabondes proférées dans les salons feutrés comme sur les ondes par les politiques les plus en vue n’entament en rien notre détermination. Nous continuerons notre travail d’information.

- On ne peut vouloir une chose et son contraire. On ne peut prononcer des discours dégoulinant de bonnes intentions à l’hôtel de Ville sur la nécessaire « liberté et indépendance de la presse » , on ne peut afficher à la une de son blog une pétition pour la libération de nos confrères de France Télévisions Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier et parallèlement ordonner à ses services de boycotter notre journal au motif fallacieux que toute vérité ne serait pas bonne à dire. La tentation est grande d’accuser la presse (« irresponsable » , « poujadiste », « populiste » ), quand on n’a strictement rien à dire sur le fond. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ?

- On ne peut louer dans des discours ampoulés « la patrie des droits de l’homme » et « la République irréprochable » et expulser des Roms ou renvoyer les prostituées toujours plus loin, à l’abri des regards outrés (mais pas des agressions). Les exemples sont nombreux et les dérives constantes. « Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais » dit l’adage populaire. Notre classe politique, de gauche comme de droite, y a ajouté une variante : « faites ce que je dis, ne dites pas ce que je fais » .
- Pourtant, nos élus « bloggeurs et twitteurs » doivent comprendre que l’exigence de transparence n’est pas une simple mode éphémère mais une véritable lame de fond, qui balaie tout sur son passage et notamment leurs mensonges et leurs approximations. Aujourd’hui, tout finit par « sortir » dans la presse et par conséquent il vaut mieux réfléchir avant de parler et d’agir et à tout le moins de respecter les lois que l’on fait voter au nom de « l’intérêt général » , qui en a vu d’autres.
- Les vieux clivages ne sont plus opérants : il y a désormais bien moins de différences entre la droite et la gauche –sinon dans quelques discours destinés aux colleurs d’affiches- qu’entre les élus qui respectent la loi et ceux qui la contournent, plus ou moins habilement. Nous sommes entrés de plain-pied dans la République des Apparences et notre pays, champion du monde des donneurs de leçons, s’en trouve chaque jour plus affaibli (il suffit de voyager un peu pour s’en convaincre, nous sommes de plus en plus perçus comme un peuple hypocrite et arrogant).

Un espoir

Mais le pire n’est jamais sûr et peut-être le sursaut viendra-t-il de femmes et d’hommes non issus « du sérail » , pas encore abîmés ni corrompus par les mauvaises pratiques des partis politiques. Des femmes et des hommes sans doute moins flamboyants qu'un Bernard Tapie mais dont le parcours est à même de nous rassurer et de nous offrir des perspectives citoyennes nouvelles.
- A ce titre, on lira dans notre dernier numéro l’interview d’Eva Joly. Personnellement, je lui tire mon chapeau et lui souhaite « bon courage » ! (je crois que la dame n’en manque pas). En attendant, en bon Français, je file écouter le dernier spot publicitaire de la nouvelle égérie de la Française des Jeux, la toujours jeune Arielle Dombasle, sur les ondes de France Info. Tout en prenant soin (promis juré) de sauver les apparences et de ne pas couper le son avant d’entendre la fin du message schizophrène de l’Etat, débité comme une forêt amazonienne : « Endettement, dépendance, isolement, jouer comporte des risques pour vous et vos proches ».
Didier Maïsto

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