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dimanche 25 juillet 2010

L' urbanisme et l' architecture déhumanisants...


Arrêtez de dépenser l’argent dans la pierre, investissez-le dans l’humain !

Les événements qui se produisent dans le quartier La Villeneuve à Grenoble depuis vendredi soir dernier ne sont hélas guère surprenants. Des policiers ont tué un braqueur dans son quartier, des voitures ont brûlé ; quelques groupes de jeunes ont joué à la guerre avec la police. Quelques individus isolés ont fait usage d’armes à feu. La plupart seront arrêtés, déférés et condamnés (comme on l’a vu ces semaines dernières au procès des émeutes de Villiers-le-Bel). Mais les commentaires politiques qu’ils suscitent sont désespérants de superficialité. Il est pourtant hélas facile de constater que les mêmes causes produisent les mêmes effets, que ceci se produit à bas bruit tous les jours dans des centaines de quartiers en France et peut dégénérer à tout moment lorsqu’il y a mort d’homme. La raison de fond en est simple : qu’on le veuille ou non, la société française exclut une partie de ses citoyens du jeu social. Elle le fait d’une double manière : matérielle, en les maintenant dans une situation de marginalité socio-économique, et symbolique, en les "démonisant" au travers de la violence et de la religion, et en leur renvoyant finalement la responsabilité de leur situation. Car, selon les responsables politiques et certains acteurs de terrain, "on a tout essayé" et "on injecte des millions d’euros dans la politique de la ville". Qui, bien entendu, serait "un échec". Mais qui prend le temps de savoir où sont investis ces fonds ? Qui sait que, pour le quartier La Villeneuve de Grenoble, il existe une convention ANRU (janvier 2009) qui prévoit une énorme opération de démolition, reconstruction, réhabilitation et "résidentialisation" pour un montant de 74,4 millions d’euros. Oui, 74,4 MILLIONS D’EUROS, investis dans la pierre ! ( photo la Courneuve à Grenoble)

Il est temps de le dire haut et fort : cette politique (conduite depuis la loi du 1er août 2003 "pour la ville et la rénovation urbaine") est un désastre et témoigne d’un aveuglement ou d’un cynisme sans nom. Toutes les enquêtes montrent que les habitants des HLM des quartiers ne se plaignent pas principalement de leur logement, du moment que l’ascenseur fonctionne et qu’un minimum de propreté est conservée. Cet argent, c’est dans l’humain qu’il faut l’investir ! Et en partant des besoins exprimés par les habitants plutôt qu’en décidant à leur place ! Car l’énorme problème de l’échec scolaire pourrait être largement résolu avec de tels fonds. De même que bien des problèmes de la vie quotidienne des parents et des personnes âgées. De même que l’on pourrait réfléchir et imaginer toutes sortes d’emplois et de formation rémunérées pour la plupart de ces jeunes qui "tiennent les murs" et s’alcoolisent à longueur de soirée, quand ils ne sont pas pris dans la spirale de la délinquance. Refaire les immeubles en laissant les humains à l’intérieur dans le même état de détresse sociale et psychologique a quelque chose de criminel !

Laurent Mucchielli

Sociologue et historien de formation, auteur de plusieurs ouvrages. Directeur de recherches au CNRS, je travaille au CESDIP (Centre de recherches sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales), laboratoire que j’ai aussi dirigé pendant 6 ans (2004-2009). J’enseigne la sociologie de la délinquance à l’Université de Versailles Saint-Quentin. J’assure régulièrement des formations à l’École Nationale de la Magistrature et dans divers instituts de formation au travail social. Fondateur et co-animateur du groupe Claris (« Clarifier le débat public sur la sécurité ») Membre de l’association Sauvons la recherche.

Qu'ont fait les politiques pour les banlieues depuis 2005 ?

« Amoncellement » des lois, dispositifs « lourds » et « enchevêtrés », « tout sécuritaire »… La politique de la ville est très critiquée. Les deux nuits de violences à Villiers-le-Bel et dans les communes alentour de la banlieue parisienne ont fait plus de blessés dans les rangs des policiers que les trois semaines de violences de l'automne 2005. Alors que la situation tend à se calmer dans le Val-d'Oise, l'heure est à la recherche de responsables. Ce nouvel embrasement des cités était-il prévisible ? Qu'est-ce qui a été fait depuis pour résoudre le problème des banlieues ? Les textes législatifs ne manquent pas. Pour le député PS de l'Essonne et maire d'Evry Manuel Valls, « on n'a pas suffisamment pris conscience de l'état de ces quartiers populaires de nos villes en 2005 ». Et ce n'est pas, selon lui, « l'amoncellement des lois » qui peut régler les difficultés : La loi sur la prévention de la délinquance, adoptée en mars 2007 en réponse aux émeutes de 2005 et portée par l'alors ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, a été critiquée de tous bords. Justice des mineurs, santé mentale, chiens dangereux, stupéfiants… Elle a dès sa naissance été jugée trop sécuritaire.

Certains textes ont pourtant fait naître l'espoir, comme la loi Borloo d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, votée en 2003. Elle a pour objectif de réduire les inégalités sociales et les écarts de développement entre les territoires. Récemment amendée par la loi de 2007 sur le droit au logement opposable, elle prévoit une offre nouvelle de 250000 logements locatifs sociaux, ainsi que la réhabilitation de 400000 et la démolition de 250000 autres logements sur la période 2004-2013.

« Lourdeur des dispositifs » et « inconstance des politiques »

Pour l'heure, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) fait seulement le bilan des « logements programmés » au 1er novembre 2007, prévoyant 117508 productions, 259673 réhabilitations et 122573 déconstructions. Dans les faits, on est loin du compte, le temps est surtout aux démolitions. Interrogé par l'AFP, le maire PS de Sarcelles, François Pupponi, l'affirme sans détour : la politique de rénovation urbaine engagée par Jean-Louis Borloo « pourra porter ses fruits à moyen et à long terme, mais pas maintenant ».

Surtout, dans son rapport publié le 7 novembre sur « la gestion des crédits d'intervention de l'Etat au titre de la politique de la ville », la Cour des comptes souligne la « lourdeur des dispositifs », leur « enchevêtrement », « l'inconstance des politiques », « les retards de paiement aux associations » ou encore le « désengagement de l'Etat avant les émeutes » de 2005. Des lacunes déjà relevées en 2002…

L'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé), qui correspond au pendant économique et social de l'Anru, indique que 2200 quartiers bénéficieraient déjà de nouvelles aides, mais aucun bilan chiffré n'est encore disponible pour cette action menée depuis un an.

La Cour des comptes estime d'ailleurs que « l'efficacité et l'efficience de la politique de la ville restent incertaines ». Les magistrats critiquent l'empilement des dispositifs, qui pose un problème de « lisibilité » de la politique de la ville.

« C'est l'échec d'une politique de sécurité, celle de Nicolas Sarkozy »

« Ce qui se passe aujourd'hui c'est aussi l'échec d'une politique de sécurité et celle, disons le clairement, de Nicolas Sarkozy. » Pour Manuel Valls, celui qui était ministre de l'Intérieur de 2002 à 2004 et de 2005 à 2007 porte une large part de responsabilité, du fait de son « type de langage », mais aussi parce que les banlieues ne seraient « plus une priorités aujourd'hui ».

De même, l'association Ville et Banlieue, qui réunit 120 maires de toutes sensibilités politiques et a élaboré propositions sur propositions depuis 1983, faisait le 25 octobre le même constat.

« Les banlieues sont absentes de toutes les priorités affichées par le gouvernement, (…) qu'il s'agisse du Grenelle de l'environnement, du projet de loi de finances 2008 ou des propositions de la commission Attali pour la relance de la croissance. »

L'association dénonce également une Dotation de solidarité urbaine (DSU) amputée de 30 millions d'euros dans le budget 2008. C'est la première fois depuis des années que cette dotation ne dépassera pas le seuil des 100 millions d'euros.

Ne pas céder à la « dictature de la rue » et « responsabiliser les parents »

Députée UMP de Meurthe-et-Moselle, Nadine Morano trouve elle que « ce n'est pas un constat d'échec », qu'on en a déjà fait « beaucoup » pour les banlieues, même si elle reconnaît que « dans beaucoup de quartiers, la rénovation urbaine est en marche, elle n'est pas finie ». La porte-parole du parti majoritaire croit qu'il « faut d'abord s'occuper des personnes » avant de remettre des moyens financiers. Elle ne veut pas céder à « la dictature de la rue » et en appelle à « la responsabilité des parents ».

A la crise de Villiers-le-Bel, Nicolas Sarkozy a choisi de répondre une nouvelle fois par la fermeté. A peine revenu d'un voyage de quatre jours en Chine, il a déclaré : « Ceux qui ont pris la responsabilité de tirer sur des fonctionnaires se retrouveront devant la cour d'assises. » Avant de multiplier les réunions avec ministres et conseillers pour reprendre les opérations en main.

En attendant le « plan Marshall » pour les banlieues promis par Fadela Amara pour le 22 janvier. Elle, qui a emmené à chaque déplacement dans les cités un membre du gouvernement, a prévu d'articuler son action autour de trois axes : éducation, désenclavement des quartiers et emploi des jeunes. La secrétaire d'Etat à la Ville parviendra-t-elle à faire mieux que ses 18 prédécesseurs à ce poste depuis 1990 ?

Apis

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