Information Participative

Médias Citoyens Diois continu !

Retrouvez-nous sur notre nouveau site :

http://mediascitoyens-diois.info

dimanche 23 mai 2010

Mort de Alice Miller



Mort de la Psychothérapeute Alice Miller.
Plus que Mélanie Klein ou Donald Winnicott (autres spécialistes de l’enfance), ce sont les livres d’Alice Miller qui m’ont le plus marqués et influencés dans l’apprentissage d’être père. Elle vivait à Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône) et longtemps nous avons voulu la faire intervenir au Rencontres de l’ Ecologie de Die. Mais Boris Cyrulnik m’en avait dissuadé vu son grand age et sa volonté de ne plus recevoir…

« Malheureusement, on nie partout le fait que tous les monstres sont nés enfants innocents et deviennent bestiaux à cause de leur éducation brutale. Les terroristes qui décapitent leurs victimes, en Irak ou ailleurs, ne sont-ils pas des êtres humains, ne sont-ils pas, comme Hitler, devenus des êtres cruels et sans scrupules à la suite de leur enfance ? »

Alice Miller note cependant la présence de ce qu'elle nomme un témoin secourable, dans l'entourage des enfants victimes qui ont pu échapper à un destin de bourreaux :

"Il est intéressant que dans les enfances de tous ces dictateurs, comme aussi dans ceux des criminels en série, on ne trouve pas de personnes que j'appelle "les témoins secourables" Il s'agit de personnes que presque chacun de nous connaît, quelqu'un qui nous a aimé, qui nous a donné un peu de chaleur, un peu de confiance en nous. Grâce à la présence d'une telle personne (même très passagère), nous pouvions développer l'espoir de trouver l'amour dans notre vie. Mais si une telle personne ne partage jamais la vie de l'enfant en le réconfortant, celui-ci ne connaîtra que la violence. Il la glorifiera et la perpétuera ».

Ses explications invitent à une autre lecture des problèmes liés à la maltraitance, ainsi qu'à la prévention des sévices. Il y aurait lieu d'aider les adultes maltraitants, à tous les niveaux de la société, à se libérer de leur passé douloureux, intériorisé et souvent nié, mais la société ne reconnaît que les formes de maltraitance les plus visibles et ne s'intéresse pas à celles non encore reconnues, qui sont pourtant les plus destructrices parce que justement on ne les voit pas ; maltraitances dont la plupart d'entre nous ont été victimes dans leur enfance sans s'en apercevoir.

« Tous les bourreaux ont été victimes » : cette phrase seule pourrait résumer son œuvre, tout entière consacrée à combattre la maltraitance des enfants. Pour la psychologue et psychanalyste de nationalité suisse Alice Miller, c'est dans cet abus de pouvoir, exercé dès les premières années de la vie, que se situaient les racines de la violence humaine. Sa mort, annoncée, vendredi 23 avril, par son éditeur allemand Suhrkamp, est survenue, mercredi 14 avril, dans le sud de la France. Elle avait 87 ans.

Claude Veyret

Née en Pologne, à Lvov (aujourd'hui Lviv, en Ukraine), le 12 janvier 1923, Alice Miller étudie la philosophie, la psychologie et la sociologie à Bâle (Suisse), avant d'entreprendre, à Zurich, une formation de psychanalyste.

A partir de 1954, elle enseigne à l'université de Zurich et exerce en tant que psychothérapeute. Son désaccord avec certaines thèses freudiennes la conduira toutefois, en 1988, à rompre avec l'Association psychanalytique internationale (API) dont elle est membre. A ce stade de sa carrière, elle est en effet convaincue que l'enfant n'est pas un "pervers polymorphe" régi par ses pulsions sexuelles, comme l'affirme la psychanalyse. Et que cette dernière, a contrario, minimise les sentiments de haine que peuvent avoir les parents vis-à- vis de leurs enfants.

Au début des années 1980, Alice Miller décide de se consacrer uniquement à l'écriture et à l'exposé de ses idées, qu'elle développera dans une dizaine de livres. Ce choix la fera connaître dès son premier ouvrage, Le Drame de l'enfant doué (PUF, 1983). Par enfant "doué", elle entend l'enfant sage : celui qui s'adapte aux règles édictées par ses parents pour combler leurs attentes, au prix d'une répression plus ou moins sévère de ses propres sentiments.

S'inspirant des récits de ses patients, ainsi que de biographies de dictateurs et d'artistes, Alice Miller insiste sur le fait que la maltraitance produit non seulement des enfants malheureux, mais aussi, bien souvent, des parents maltraitants. Contraints dans leur jeune âge de refouler colère et angoisse, ce n'est qu'à l'âge adulte qu'ils peuvent décharger ces émotions. Sur leurs propres enfants, voire sur des nations tout entières.

Dans C'est pour ton bien (1984), qui la rend célèbre auprès du grand public, elle secoue ainsi l'opinion allemande en appliquant cette lecture à la trajectoire d'Adolf Hitler. La cruauté du dictateur nazi, affirme-t-elle, trouve son origine dans la structure de sa famille : un prototype du régime totalitaire, où la seule autorité incontestée et souvent brutale était le père. Mais être battu et humilié dans sa jeunesse ne fait pas pour autant de la victime un futur assassin, et les critiques n'ont pas manqué contre ce réductionnisme qui prétend expliquer Hitler, Staline ou Mao Zedong par leur enfance malheureuse.

"Pédagogie noire"

Plus novatrice dans la pensée d'Alice Miller apparaît, en revanche, sa remise en cause des principes d'éducation appliqués en Europe au cours des derniers siècles. Des principes régis par le précepte "Qui aime bien châtie bien", qu'elle qualifie de "pédagogie noire", et qui brisent, selon elle, la volonté de l'enfant pour en faire un être docile et obéissant, mais sujet d'un douloureux conflit intérieur.

Prenant son propre cas en exemple, elle estimait avoir été "conçue sans amour par deux enfants sages qui devaient obéissance à leurs parents et souhaitaient engendrer un garçon, afin de donner un petit-fils aux grands-pères" (Notre corps ne ment jamais, 2004).

Alice Miller a été beaucoup soutenue par de grandes organisations internationales, l'Unesco et l'Unicef. Son engagement radical contre les violences "ordinaires" faites aux enfants est aujourd'hui relayé par nombre de thérapeutes et d'associations. C'est aussi l'attitude du Conseil de l'Europe, qui mène campagne, depuis plusieurs années, pour l'interdiction de la claque et de la fessée.

Claude Veyret

Veyret.claude@wanadoo.fr

Ouvrages et Bibliographie

- Le drame de l'enfant doué, Presses universitaires de France, 1983

- C'est pour ton bien, Aubier, 1985 –

- L'enfant sous terreur, Aubier, 1986

- Images d'une enfance, Aubier, 1987

- La souffrance muette de l'enfant, Aubier, 1990

- La connaissance interdite, Aubier, 1990

- Abattre le mur du silence, Aubier, 1991

- L'avenir du drame de l'enfant doué, Presses universitaires de France, 1996

- Chemins de Vie - Sept Histoires, Flammarion, 1998

- Libres de savoir : Ouvrir les yeux sur notre propre histoire, Flammarion, 2001

- Notre corps ne ment jamais, Flammarion, 2004

- Ta vie sauvée enfin, Flammarion, 2008

- La fessée, questions sur la violence éducative, Préface par Alice Miller, d'Olivier Maurel.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire