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mardi 30 mars 2010

La journée de la Femme c'est tous les jours


La compassion est-elle féminine ?

Au moment de rédiger cette chronique, rien qui ne s’impose vraiment. Bousculade des sujets, tant de choses qui m’interrogent, me révoltent, tant de choses qui me réveillent, me séduisent. "Choses qui"... C’était le thème de mon dernier atelier d’écriture avec des novices qui découvrent la magie de ces séances où l’on cherche ses mots, sa voix, sa petite musique.

Émerveillement : je n’aurais jamais cru que je pouvais écrire ça. Si tu peux ! "Choses qui, donc, fait partie de ce qu’on appelle des inventaires : des listes forcément très personnelles, par exemple de ses goûts ou de ses souvenirs - ainsi les fameux "Je me souviens" de Georges Perec repris au théâtre l’automne dernier à Paris et avec quelle grâce par Sami Frey.

S’inspirant des Notes de chevet (ed. Gallimard) écrites par Seï Shonagon, dame d’honneur à la cour dans le Japon du XI° siècle, les participants à l’atelier sont conviés à dresser une liste de titres d’inventaires, apparemment futiles, qu’ils souhaiteraient écrire : drôles ou graves, très concrets ou quasi impalpables.

À chaque fois, cette proposition donne quelques joyaux. Tenez : « Choses qui donnent une impression de lumière, choses qui broient le coeur, ou qui bruissent à sa porte, choses qui chantent en soi, choses qui libèrent, choses qui lient, choses qui donnent envie d’aimer, choses qui donnent envie de tuer, choses qu’il ne faut pas oublier si on part sur la lune, choses qui sont dans le carré du jardin, choses vues par ma fenêtre, choses qu’on ne se résoud pas à jeter, choses qu’on dit en sortant du cinéma, choses qui se réduisent à peu de choses, choses qui m’échappent, choses que je n’ose pas dire, choses qui brillent, choses qui brûlent, choses qui pétillent... », etc. Ensuite, il s’agit de déplier un ou deux inventaires : énumérez ces choses qui m’échappent par exemple. Et la magie continue. . .

Dans ces ateliers (comme partout !) il y a 80 à 90% de femmes, mais écriture d’homme, écriture de femme ?, impossible de faire le distinguo. Il y a des sensibilités différentes. Point.

Une constatation qui me permet de passer à un livre qui ne se lit pas comme on boit du petit lait mais fort intéressant, à classer dans les choses qui dérangent peut-être : L’Énigme de la femme active - Égoïsme, sexe et compassion (éd. Payot). Livre très touffu dont je retiens un thème : la compassion est-elle "naturelle" aux femmes, inhérentes à leur genre ? Non ! répond Pascale Molinier, dans le même courant de pensée qu’Élizabeth Badinter réaffirmé avec force dans Fausse Route (éd. Odile Jacob). À savoir : la différence des sexes ne prédestine pas aux rôles et aux fonctions.

Que les femmes soient présentes en masse dans les métiers qui requièrent de la compassion, c’est un fait. Mais ce que pointe l’auteur, c’est que ce savoir-faire développé par les femmes, par exemple celui des infirmières, n’est pas reconnu en tant que tel mais attribué à une particularité propre au genre féminin. Ce qui permet aux hommes, aux chirurgiens par exemple, de se tenir très éloigné de la sphère de la souffrance - "Il y a un déni viril de la souffrance", écrit Pascale Molinier. Et alors, direz-vous ? Alors, ce n’est bon pour personne. Ni pour les hommes qui peuvent y perdre leur âme. Ni, naturellement, pour les femmes qui s’y épuisent sans reconnaissance, sans possibilité de théoriser sur cet aspect essentiel de leur travail. Du coup cependant, épargnés de la souffrance d’autrui, les hommes ont la possibilité de développer l’égoïsme qui seul autorise la création. Un égoïsme qui manque souvent aux femmes pour affirmer leur autonomie créatrice. S’affranchir des déterminations sociales, développer notre identité non sexuée pour faire place à notre singularité, à notre propre sensibilité - celle qui surgit dans l’atelier d’écriture - tel est le message de ce livre.

Dane Cuypers

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