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mercredi 9 septembre 2009

Alimentation


Extension du domaine de la culture
Dans mon bled, comme ailleurs, il y a des gosses de l'âge de ma fille qui ont déjà toutes leurs dents bouffées par des caries, des mouflets gonflés comme des popcorns, nourris aux croquettes pour humains et dont les parents pensent qu'un verre de nectar de fruits blindé au sucre, c'est un fruit comme un autre. Nous nous sommes laissés entraînés dans la médiocrité alimentaire pour le plus grand profit de quelques-uns. Les gens n'ont pas faim sous nos latitudes... certes, pas encore, mais beaucoup souffrent de malnutrition. Quand Bové démontait le MacDo de Millau, il avait déjà tout compris. Tout comme Via Campesina et son combat pour la souveraineté alimentaire. L'autosuffisance. Le fait que les gens ne puissent plus crever de faim ou de malbouffe pendant leur pays exporte des matières premières agricoles à gogo. La faim est rarement un problème climatique ou agraire. C'est plus souvent une arme politique, économique, utilisée volontairement, une arme de destruction massive qui ne dit pas son nom. Et ce n'est pas seulement un problème de pays pauvre. Il y a un an, alors que j'amenais ma fille à l'école, j'ai vu un homme se diriger derrière sa barre HLM avec une binette. Je l'ai suivi, et j'ai découvert que cet homme avait pris son alimentation en main. Sans terre. Sans moyens. Il a juste décidé de mettre en culture le petit trottoir d'herbe pelé qui entoure souvent les immeubles et dont personne ne fait rien. Il fait descendre au besoin un tuyau d'arrosage par la fenêtre de sa cuisine. Il a récupéré des culs de bouteilles en plastique pour ses semis. Et ça pousse. Bien sûr, ce n'était pas prévu, cette utilisation d'un non-espace public, une bande de terrain dont on ne fait rien, qui ne sert à rien, qu'on ne voit pas, n'entretient pas, qu'on ne pense même pas. Lui, il a simplement changé de point de vue et il améliore son ordinaire. Rien ne l'empêche de le faire.
Dans la cité à côté, au milieu des barres, il y a le carré de pelouse. Un truc grand comme un immeuble comme il y en a des milliers et des milliers dans les cités où l'on parque les pauvres. Ceux qui font leurs courses dans les discounters. Qui ont les dents pourries. Qu'ils ne peuvent même plus faire soigner. Ce carré, ce n'est même pas de la pelouse. C'est vaguement tondu deux fois par an, pelé par endroits. Ça bouillasse en hiver et ça poudroie en été. Les gens n'y vont même pas y prendre l'air ou le soleil, les gosses y jouent à peine. Encore un non-espace. Qui pourrait fournir la cité en fruits et légumes frais pour peu d'efforts. Avec quelques outils, beaucoup de conseils. Et surtout, l'idée que c'est possible.
Dans l'association culturelle du bled, la culture, ça ne s'arrête pas aux livres... Réinvestir l'espace public. Pas pour passer, pas pour flâner, encore que..., mais pour s'approprier le droit de se nourrir correctement. Recréer les jardins ouvriers dans les impensés de la ville, les interstices du tissu urbain. Une jardinière de tomates sur le balcon, un pot de persil à la fenêtre, une rivière de tomates en bordure du parking.Varier les plaisirs, partager les récoltes. Du temps gagné sur la télé et l'isolement. Et surtout, moins d'argent pour les rois de la malbouffe, les accapareurs du vivant. Ce n'est pas pour rien que les semenciers poursuivent Kokopelli et ses graines que l'on peut resemer. Ce n'est pas pour rien que les géants cherchent à écraser le nain joueur de flute : pour nous priver de notre droit à nous alimenter par nous-mêmes, pour nous rendre totalement dépendants. Il faut que nous occupions nos carrés de jardin à faire de l'ornemental coûteux selon leurs critères : des espèces hybrides et stériles, qu'il faut racheter tous les ans, avec des tas d'intrants chimiques que nous achetons à prix d'or. Et qu'en plus, nous n'ayons pas d'autre choix que de leur acheter leurs légumes pour nous nourrir. Fort mal, par ailleurs. Dans son dernier bouquin, Kokopelli démontre que non seulement les quelques pauvres espèces qui sont couramment proposées à la consommation sont déprimantes en terme de goût et de variété, mais qu'en plus cet appauvrissement gustatif s'est accompagné d'un terrible appauvrissement nutritionnel. On comprend mieux pourquoi Kokopelli se mange procès après procès. Cela a l'air de rien, mes histoires de légumes, de réappropiations des friches urbaines, mais c'est pourtant le début de la remise en cause du système qui nous opprime. La révolution ne se fait pas forcément dans la rue ou à coup de pavés. Les grands changements sont toujours plus discrets, plus profonds et plus diffus. Rien d'insurmontable et pourtant, de cette simple revendication peut germer de nouvelles pratiques, de nouveaux rapports sociaux, de nouveaux circuits économiques.De simples petites graines...
Agnès Maillard
Le Monolecte
Le blog des agitateurs du vide

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